calepin très vide (théo)

J'étais revenue à Paris la veille, après avoir vécu un grand événement dans ma vie. J'avais immédiatement contacté Théo, que je n'avais pas vu depuis très longtemps mais qui me manquait malgré tout. Autrefois, nous avions une relation fusionnelle et son amitié me manquait à tel point qu'il avait été la première personne que je sollicitais pour des retrouvailles. Un petit texto échangé : "Calepin vide... besoin de beaux mots et de dessins. RDV chez Jenny demain 21h ?" Il n'avait pas répondu, et pourtant je m'étais quand-même rendue au meeting. J'avais vraiment besoin de le revoir, pour qu'on se retrouve comme avant. On était beaux. Et puis surtout, j'avais envie de savoir s'il allait bien. J'avais lu quelques rumeurs sur les réseaux sociaux, aucun truc de bien concret mais assez pour m'inquiéter.

Parfaitement apprêtée, j'arrivais dans le bar et je m'installai au comptoir en commandant une vodka cass. J'en demandai deux, dans l'espoir où Doudou me rejoindrait. Je commençai finalement à la boire, en guettant les nouveaux clients, à l'affût d'un théo sauvage qui pourrait apparaître !

Une explosion de bonheur. Plein de souvenirs, d'anecdotes, me venaient à l'esprit en recevant l'invitation d'Emmanuelle. Y'a un petit peu de fierté aussi. Savoir que même à l'autre du monde, quelqu'un pense à moi. Elle pense à moi. ELLE... Celle qui a fait de ma saison de Secret Story un moment léger. ELLE et un baiser échangé dans un jardin chinois, dans un cadre idéal. Dans la hâte, j'ai commencé à fouiller dans les cartons, retrouvant même encore quelques affaires à elle. Ouais, d'accord, c'est pas très flatteur de retrouver ça dans mes cartons, mais c'est signe que j'ai pas réussi à m'en débarrasser ! Je m'empare alors d'un fameux calepin.

Je me souviens parfaitement de son utilité. Emma avait écrit quelques mots sur Secret Story 8, et entre deux pages, elle expliquait également les petites expressions sudistes. Quelques photos de moments passés hors de Secret Story surgissent également. Ce mois passé sur une île paradisiaque. Rien qu'elle et moi. Son sourire plein de vie. J'ai pris bien deux heures pour me préparer, comme une véritable petite diva et j'arrivais à l'heure au rendez vous. Elle était là, à guetter la porte de l'entrée. On se saute mutuellement au cou en se revoyant. EMMA D'AMSSS ! Sans aucune gêne, je dépose ma tête dans le creux de son cou, quelques instants avant de me reculer. J'arrête mon regard à son sourire. Le même, à l'identique, comme au premier jour. Haaan, c'est vraiment toi, j'y crois pas ! Regarde toi, t'as pas changé d'un pouce ! Mis à part que Madame est une femme mariée ! Petit sourire enfantin à l'appuie. Revoir Emmanuelle, c'est totalement ce qu'il me fallait.

Y'avait plein de questions qui s'bousculaient dans ma tête. Allait-il venir ? Ou pas ? Allait-il me faire attendre des heures ? Devrait-il repartir au bout de dix minutes ? Puis j'oubliai tout lorsque je le vis, à l'entrée du bar. Lui, et son sourire éclatant. Lui, et ses cheveux soigneusement brossé et gélifiés. Lui, et son dress code irréprochable. "Théo ?" Genre, c'était vraiment lui ? Il était là ? Devant moi ? Je ne réfléchis pas, je posai immédiatement mon verre sur le comptoir avant de courir pour lui sauter au cou. Depuis combien de temps ne nous étions plus vus ? Des semaines ? Des mois ? Des années ? Un an, si je compte bien. Et il m'avait manqué énormément. Peut-être même trop, pour un simple ami...

Je le serrai fort dans mes bras, je me fichais bien de l'étouffer ou non. Il fallait que je sente qu'il était près de moi, pour de vrai et pas qu'à travers une webcam comme on avait l'habitude de nous voir avec Skype. Je ressentais son odeur, celle du parfum que j'avais côtoyé pendant un mois quand nous étions partis rien que tous les deux sur une île paradisiaque l'été dernier. Ça m'ravivait un trop plein de souvenirs. Et que des bons.

Je lui souriais sans pouvoir m'en empêcher. J'étais bien trop heureuse de le retrouver pour ça. Il savait déjà que j'étais mariée? Moi qui comptais lui annoncer! "J'vois que les nouvelles vont vite même quand j'habite à des miliers de km !" riais-je de bon cœur même si j'aurais préféré qu'il apprenne cette nouvelle de moi-même. Si lui était au courant, la France entière l'était aussi ? Je n'aimais pas beaucoup cette hypothèse. Mais tant pis, j'allais pas me laisser distraire pour si peu. "Et toi alors, toujours aussi beau ! J'suis sûre qu'tu dois toutes les faire craquer avec ton côté good boy fraîcheur d'été saveur glace à l'eau !" Doudou, toussa toussa. J'avais des drôles d'expressions, mais Théo en connaissait pas mal. J'en avais noté la majorité dans le petit calepin. Qui était d'ailleurs bien vide depuis un moment. "Attends, on va s'mettre au comptoir, y'a deux cocktails qui s'impatientent ! Puis tu vas tout m'raconter !" Je le tirai par le bras pour l'emmener avec moi jusqu'à la place où j'étais puis je lui tendis son verre en levant le mien. On trinquait, les regards rivés l'un dans l'autre. Avec sincérité. "Tu m'as manqué tu sais." lui avouais-je, ayant l'étrange envie de rester toute ma vie ici dans ce bar, à ses côtés, à le regarder et à l'écouter me parler.

Les nouvelles vont très vites... Comme la vie quand on y pense. Elle a bien évolué Emmanuelle. De vierge à Marie... De jeune adulte à femme. Des changements que j'ai pu apercevoir parfois de près et parfois de trop loin. J'en ai été jaloux, incontestablement. J'ai eu de la difficulté à lutter contre ce sentiment de gâchis... Nous deux, on était parfaits. A nous deux, on prévoyait de soulever le monde. C'était mon essentiel... Ma moitié. Une part inséparable de ce que j'étais. Et revoir Emmanuelle me rappelle que c'est toujours un peu le cas. Mais je le sais... Il faut que je reste un peu extérieur. Parce qu'elle va repartir Emmanuelle, et j'aurais encore une fois à composer avec son absence. - Tu m'inviteras, hein ?? J'ai envie d'être là pour le plus beau jour de ta vie. Quoi de plus normal ? Je pose ma question avec un sourire qui ne s'effacera sans doute pas avant la fin de notre entrevue.

Moi, je suis toujours aussi beau ? Bah j'espère bien... C'est un peu le seul atout que j'ai actuellement. Je souffle un petit peu avant de hausser les épaules. - Tu me connais... Je suis trèèèès maladroit en amour ! Et c'est peut être ce qui fait que je ne suis qu'un simple potentiel témoin aujourd'hui. Mais l'heure n'est plus aux regrets. Je tilte simplement maintenant par rapport à l'expression qu'elle utilise... Je ne peux pas mesurer à quel point ça m'avait manqué. Skype, Snapchat, tout les moyens légaux pour communiquer (sauf la bouteille à la mer, c'est pas très fiable), c'était pas pareil. DES COCKTAILS ?? Mais t'es trop parfaite baby ! On s'installe au comptoir et je mets à siroter mon cocktail, sans attendre. Nos regards se croisent. Je lui ai manqué... Mon coeur se sent encore plus léger. Je t'avoue que je rêvais secrètement que ça puisse être le cas. T'as une belle vie Emmanuelle... Je suis fier de ce que tu as accompli depuis la fin de notre aventure.

Quand Théo me demanda si je l'inviterais, je baissai les yeux en me mordant la lèvre inférieure. Après quelques secondes, je finissais par relever la tête et je mis ma main en évidence sous le regard de mon ami. Mon alliance scintillait.  "On s'est déjà mariés. On a fait ça entre nous, dans le plus grand des secrets, sur une plage déserte de notre bout de paradis." C'était que lui et moi à ce moment-là. Et personne d'autre. Alors dans ma tête, je me mis à imaginer un grand mariage avec tous nos amis. Si Théo avait du être présent, je crois que je l'aurais regardé plus que je ne l'aurais fait pour mon mari. Et ça n'aurait pas été possible. Ça ne l'est toujours pas d'ailleurs. Même si parfois, la tentation est maximale.

Maladroit en amour ? Je ne pu m'empêcher d'esquisser un sourire en coin à ce petit clin d’œil bien placé envers ce que nous avions vécu. La maladresse, était notre plus grand défaut, à tous les deux. Et c'est certainement pour ça que notre love story s'était arrêtée. Mais trêve de penser au passé. Nous étions là, tous les deux, enfin réunis et prêts à passer notre nuit à rattraper le temps perdu. Nous nous installions donc au comptoir, et trinquions d'un éclat que trop pur. "Tu sais, il ne me manque plus qu'une seule chose pour être vraiment comblée dans ma vie actuelle. Et c'est ta présence." continuais-je dans la séquence émotion dramatique. Mais c'était comme si le destin nous séparait, tout le temps, pour tout et n'importe quoi. La distance, les conneries, les histoires à deux francs six sous. Entre nous, rien n'avait jamais été facile et rien ne le serait jamais. Il y aurait toujours trop d'embûche sur notre chemin commun et pas assez de perfection. Avec Andréa, c'était l'amour facile. Celui qui n'importune pas, celui qui n'a aucun défaut. Ça me plaisait, pour le moment. Même si je ne doutais pas que je finirais bien par m'en lasser un jour.

"Bon ! On s'fera un putain de film à l'eau de rose plus tard ! Finis-moi cette vodka que j'puisse en commander une autre !" annonçais-je décidée, finissant moi-même mon propre verre - dont j'avais déjà vidé une bonne moitié en attendant Théo. "Comment tu vas ?" lui demandais-je de façon innocente, ignorant réellement tout de ce qui lui était arrivé.

Je réprime un léger toussotement en apercevant la bague. C'est pas tant le fait qu'elle soit mariée... Enfin, si ça l'est beaucoup. Mais je voulais être là. J'ai l'impression d'avoir raté quelque chose d'important. Je baisse légèrement le regard vers l'alliance. Elle est belle, réciproque sûrement à l'amour que porte Andy pour Emmanuelle... Si il réussit à la rendre heureuse, j'ai juste à m'incliner, n'est-ce pas ? Ils se sont mariés, sur une plage déserte, avec rien d'autre qu'eux en témoin de leur amour. C'est... romantique. Je termine mon cocktail cul sec, sans rien laisser transparaître, avant de sourire le plus franchement possible. - Des félicitations sont de rigueur alors ! Je prends brièvement la belle blonde dans mes bras. Nooon, attends, encore un peu plus longtemps. Ensuite je me recule et repose mon regard sur elle.

Je lui concède tout de même que je suis fier d'elle. C'est pas facile de sortir de Secret Story. Emmanuelle, elle est restée fidèle à elle même. Un domaine dans lequel j'ai échoué, lamentablement. Ce mariage, c'est un peu sa consécration à elle. Un frisson me parcoure finalement, à sa révélation. Elle ne lui manquait que moi pour être heureuse. Alors pourquoi elle rend, pourquoi je rends, les choses si compliquées ? Ah ouais, parce qu'il y a quelqu'un à ma place pour l'instant. Mon regard se pose furtivement dans celui d'Emmanuelle avant de fuir sur mon verre. -J'ai aussi eu l'impression qu'un seul être me manquait dernièrement. Je joins mes doigts pour les craquer.

Lorsque Madame me quémande de terminer ce coktail, je lève le verre vide en sa direction, dans un petit sourire satisfait. Toujours à la traîne Emma d'ams ! Je fais glisser mon verre plus loin sur la table. Elle en était qu'à la moitié elle... Petite joueuse ! Elle me demande si ça va. Je prends une grande inspiration avant de souffler. Vu la distance, c'est déjà compliqué de savoir ce qu'elle sait et ce qu'elle ne sait pas. Et puis, c'est jamais simple à expliquer. - Disons que j'ai pris un cours avancé en force karmesques... Mais bon, j'ai pas envie de t'emmerder avec mes problèmes ! Je préfère profiter de... toi. C'est si rare. J'ai raté autre chose que ce fameux mariagee ? T'attends un gosse ? Pire des jumeaux ? Un sourire franc apparaît sur mon visage. Bien que je dois avouer être effrayé par cette éventualité.

Théo finit par me féliciter, en comprenant que j'étais bel et bien mariée et pas juste fraîchement fiancée. Quand il me prit dans ses bras, je profitai de cet instant privilégié que j'avais l'impression de ne pas avoir vécu depuis bien trop longtemps. Ma main se glissa dans sa nuque pour caresser ses cheveux avec tendresse, et je ressentis des choses que j'avais oublié comme le parfum qu'il portait ou encore la forme de ses mains qui glissaient délicatement dans mon dos. "Merci." souriais-je, avec un manque de franchise sur mon visage. Je ne savais pas quoi dire de plus, et je ne pouvais pas m'empêcher d'imaginer Théo à la place d'Andréa. Parce qu'au fond, c'était les deux seuls hommes que j'avais vraiment connu dans ma vie, et tous les deux avaient une place dans mon cœur - aussi différentes et incompréhensibles soient-elles.

Quand Doudou me confia que je lui manquais aussi, j'arborai un sourire tellement vrai et pétillant de bonheur que je décidai de prendre les choses en main. "Ok. Je veux qu'on se promette quelque chose, ici, ce soir. Théo, veux-tu bien devenir le doudou de ma vie ? Pour le meilleur comme pour le pire ?" demandai-je très sérieusement, les yeux rivés sur mon ami. "C'est un engagement sérieux et fidèle ! Si tu acceptes, tu devras m'envoyer des nouvelles toutes les semaines et tu devras obligatoirement me réserver un jour pour me voir dans ton mois bien rempli. On a qu'à dire le 13... oui, tous les 13, on se réserve notre journée et on se débrouille pour se retrouver !" j'ajoutai, en m'approchant de lui, d'une voix plus basse, à titre indicatif. Je me redressai finalement. "Alors ?" redemandai-je pour connaître la réponse ultime.

On finit par terminer nos verres, et je décidai de prendre la bonne initiative d'en commander deux nouveaux. Quand je demandai à Théo s'il allait bien, il me parla de cours particuliers avec les forces karmesques. Toujours aussi peu doué et maladroit dans l'expression, celui-là. Je me mordis la lèvre et fronçai un peu les sourcils. "Tu me vois sérieusement enceinte à 20 ans ?" demandai-je, de façon rhétorique. "Les gosses, ce s'ra pas pour tout de suite, crois-moi." ajoutai-je de façon évidente. Je plongeai ensuite son regard dans celui de Théo, cherchant la réponse au fond de ses yeux. "Quels problèmes ? Explique-moi." je lui ordonnai presque, l'air inquiet. Malgré son sourire de façade, je le connaissais assez bien pour savoir que tout n'allait pas si parfaitement dans sa vie au moment présent. Même si j'avais beau avoir raté pas mal de choses avec lui en fuyant sur l'île du paradis, aujourd'hui je ne rêvais que d'être là pour lui.

Que c'était-il passé ? Est ce que c'est comme quand on était gosses et qu'on partait en vacances aux quatre coins du monde ? On y rencontrait une fille et on vivait l'amour ou en tout cas ce qui en ressemblait le plus, sans soucier de demain, de la fin du mois. D'une rentrée scolaire qu'on savait inévitable. Puis on se perdait de vue, on se promettait de pas s'oublier, de garder contact, mais le temps faisait bien mal les choses.

Mais j'suis plus un enfant, j'ai tout fait pour grandir le plus vite possible. L'alcool, la cigarette, les fausses cartes d'identité pour rentrer en boîte de nuit, un boulot pour devenir indépendant de mes parents, tout les trucs que font les têtes brulés en somme. Il n'y avait plus qu'Emmanuelle. Ce dernier cristal qui me rappelle vaguement l'insouciance des jours passés, où je ne pensais à rien d'autre qu'à elle, chassant naturellement mes problèmes, même si ils étaient béants. Alors je cache absolument pas mon sourire radieux à sa proposition, que du contraire, il trahit une attente bien trop longue, un appel silencieux. Tout les 13, ça porte malheur. Mais ensemble, on va conjurer le sort. On est Emméo quoi. Plus fort que la force elle même ! - Très solennelle comme demande !  ! Je reporte mon regard sur elle, captant ses yeux. J'en décroche plus un seul instant. Ma tête se rapproche un peu plus de la sienne, malgré moi, malgré le respect que je voue pour son couple avec Andréa... Qu'est ce que je raconte ? Je l'emmerde son couple avec Andréa. - Mais oui, bien sûr que je le veux ! Je le sais très bien, ce rendez vous mensuel, c'était l'archétype de la fausse bonne idée. C'est comme raviver une flamme sans cesse... A la fin, ça risque de déborder, de créer un incendie.

Elle me rassure un peu, les gosses, ce sera pour bien plus tard.  - Très clairement, je te vois mal mère à 20 ans.   Mère avec lui tout court, mais je le garde bien de lui dire. Emmanuelle insiste pour que je lui raconte ce qui ne va pas. C'est évident, ça devrait lui sauter aux yeux. J'arrive vraiment pas à savoir si elle joue à l'innocente ou si elle est vraiment dans le déni.  - J'ai totalement déraillé ces derniers temps. J'enchaîne les conneries mais en même temps... ça me fait du bien. Je me sens vraiment vivant... J'en ai marre de vivre par procuration, d'être une image de marque. Le problème, c'est que je blesse beaucoup de personnes qui me sont proches. J'aimerai tellement pouvoir m'enfuir sur une île, comme toi. Par pour y construire ma vie, mais la déconstruire totalement. Tout recommencer... Je termine le dernier shoot de vodka qui se trouve devant moi, ça me fait grimacer.

Cette promesse du 13, c'était un peu notre mariage à nous. L'genre d’événement officieux qui marquerait nos cœurs à jamais. Depuis que Théo était rentré dans ma vie, je n'avais pas eu l'intention une seule seconde de le faire sortir. J'étais prête à m'engager auprès de lui jusqu'à la fin de ma vie, tant j'avais besoin de sa présence pour me sentir vivante. Je n'ai pourtant jamais été dépendante de qui que ce soit, mais Théo est ce genre d'essence qui alimente mes sentiments. Un doudou, c'est pour la vie, pas vrai ? "Et tu m'improvises même pas une alliance ?" demandai-je, un sourire amusé aux lèvres. J'voulais pas que cette promesse tombe aux oubliettes, encore moins qu'elle soit insignifiante. Si j'avais pu avoir la preuve que nous nous soyons un jour fiancés d'amitié ou plus si affinité, j'aurais aimé la ressortir à chaque fois que Théo l'oublierait!

Mariée, mère, tous ces défis d'une vie auxquels toutes les femmes sont censées rêver pour leur avenir. Pas moi. J'étais certainement la dernière à imaginer que mon meilleur ami d'enfance me passerait la bague au doigt à mes vingt ans. "Encore heureux! Je suis encore une gamine, comment tu veux qu'j'en mette une au monde?" soufflais-je soulagée. Pour le côté responsable, on repassera!

Si j'n'ai jamais été maternelle, j'suis pourtant pleine d'inquiétude vis-à-vis d'mes proches. Quand je demandai à Théo comment il allait, je m'attendais à tout sauf à une réponse aussi négative et pessimiste. J'humectais doucement mes lèvres, portant mon regard compréhensif et sensibilisé sur Théo. Je compris que je n'avais pas été là au bon moment pour lui, que je n'avais pas été cette amie parfaite qu'il aurait mérité avoir. Ma main se posa sur sa cuisse avec délicatesse, comme preuve de soutien même si je savais qu'il était à présent trop tard. "Théo... j'm'en veux de pas avoir été là." J'aurais pu le réprimander sur son comportement, mais j'étais loin d'être la mieux placée pour lui faire la morale. Et puis, maintenant que le mal était fait, je ne pouvais plus vraiment rien y changer. "Tu veux qu'on parte?" je proposai, me redressant dynamiquement sur mon tabouret, l'air sérieux. Je finissais par lui adresser un sourire qui valait bien plus que de simples mots. Quelque chose de sincère, de vrai, de pur. A l'image de notre amour. "J'dis pas ça dans le vent! T'as juste un mot à dire, et on s'casse à l'aéroport. On part, n'importe où." insistai-je, un sourire ne me quittant pas des lèvres. Quand j'vous disais que je n'étais pas du genre à prévoir l'avenir... cette proposition spontanée en est la preuve. A l'instant même, je ne me préoccupais que du bonheur de Théo. Pour lui, j'étais prête à tout quitter rien que pour un voyage à deux. Un où il pourrait se sentir mieux.

Improviser une alliance ? Je réfléchis un instant. Tout ce qui peut s'faire généralement, ce n'est pas vraiment notre créneau. Depuis le début, ça n'a jamais été officiel. Ce qui me plait autant que ça me frustre. Avoir une relation qui dépasse les étiquettes, ce que la société veut qu'on soit, c'est sympa au fond. J'aime bien l'idée d'être marginal. Puis, j'me rends compte qu'une vie, dans tout ce qu'elle a de plus normale, avec elle, me serait déjà amplement suffisant. Elle a ce don Emmanuelle, celui d'enlever mes craintes sur le futur. Sur ce moment où je serais plus personne aux yeux des autres. De ceux que je connais pas vraiment. Elle a déjà réussi à se sortir de ce cercle vicieux, de cette dépendance. Moi, c'est plus difficile. J'ai toujours besoin de me faire remarquer. J'ai pas besoin d'une alliance pour tenir une promesse, et encore moins symboliser tout l'amour que j'te porte. C'est marrant, ça sonne comme une p'tite pique. Je m'en rends compte et hausse simplement les épaules, dans un petit sourire enfantin.

Je fronce les sourcils quand elle prétend être une gamine. si elle se définissait comme tel, j'en étais où moi ? Je ne réponds rien du tout, mais je crois qu'elle ferait une bonne mère, un jour. J'sais pas comment je fais, mais j'ai le don pour attirer les gens biens, malgré que je le mérite absolument pas.

Le climat se tend un p'tit peu lorsque je parle de mes problèmes. C'était si bien jusqu'ici, il y avait simplement ces retrouvailles, son sourire à elle, très honnêtement, je pouvais m'en satisfaire. Mais elle est en droit de tout savoir. Savoir que cette vie ne me satisfait plus du tout. La célébrité, c'est galvanisant, mais seulement pendant un temps. J'aspire simplement à être heureux, comme Emmanuelle, mais j'en demande sûrement trop. Et sans elle et Naïs à mes côtés, je sais vraiment pas où j'en serais en ce moment: j'suis excessif comme gars. Une petite lueur s'empare de mon regard lorsqu'elle me présente ses excuses. Tu as eu d'autres préoccupations ces derniers temps, j'ai fini par l'accepter. Je hausse les épaules en détournant les yeux. Un mensonge, je m'y suis jamais vraiment fait.

Mais Emmanuelle, elle use de sa magie et elle capte à nouveau mon attention. Mon regard fuyant se pose sur le sien, sans hésitation. Elle me propose de... partir ? Je... Il y a une pointe d'hésitation. Il y a Naïs, elle verrait sans doute ça d'un mauvais oeil. En même temps, si elle n'était pas capable de comprendre que j'en avais vraiment besoin, c'est peut être qu'on avait rien à foutre ensemble finalement. Emmène moi loin de tout ça. Dis-je après m'être pincé la lèvre inférieure.

Mes yeux brillaient d'affection devant ce petit sourire d'enfant. Il n'avait besoin de rien Théo, pour m'prouver son amour, et c'est ça qui me plaisait. De toutes manières, notre façon de vivre notre relation est la plus belle et la plus inexplicable de toutes. Même aujourd'hui, je serais absolument incapable de poser les mots sur ce que représente Théo à mes yeux. Je serais incapable d'expliciter l'amour que je lui porte, à quel degré. Je ne suis même pas sûre que nous même le comprenions. C'est mon âme-sœur. Ce garçon, auquel je serai toujours inévitablement attirée. Celui que je ne pourrai jamais laisser partir, parce qu'il n'y a qu'avec lui que je vois l'avenir.

Et en jouant aux connes, j'ai faillis le perdre. Je crois que je n'aurais jamais pu me le pardonner. "Ça aurait du être toi, ma seule préoccupation.." Mes prunelles se fondaient à l'intérieur des siennes, engouffrées dans une sensibilité des plus profondes. Puis, putain. Qu'est-ce-qu'on fout encore là ? Dès le moment où il accepta qu'on parte, tous les deux, n'importe où sauf près de Paris, je me levai de ma chaise d'un mouvement dynamique. "Je peux savoir pourquoi t'es pas déjà debout?" demandai-je, d'un air sérieux dissimulant un sourire amusé.

Deux gosses. Un caprice. "L'aéroport nous attend bébé, alors bouge tes fesses!" Je le pris par la main, glissant affectueusement mes doigts au travers des siens. Comme des enfants. On se mit à courir vers la sortie, puis le long d'une avenue parisienne, à la recherche d'un taxi. On partait.

A plus tard, Paris, ma belle !