Jour 48 - REVELATIONS

Je pose mon Q.

J'arrive à mon tour.

« La production, faut empêcher Sheila de buzzer hein! Dans une semaine elle buzzera que Mona-Lisa a 90 ans et est tombée enceinte en étant un homme avant de changer trois fois de sexe... » disais-je en rigolant, en faisant une référence au précédent buzz de la brune qui pensait que Mona était la mère de Mattéo. « Ceci dit beau secret si c’est vrai. »

L’heure de la révélation sonné. Sheila me buzz encore, elle pense avoir trouvé mon secret. Après avoir prétendu que j’avais la cinquantaine elle me dit à présent garçon.  Je rigole nerveusement. « Tu ne me lâcheras donc jamais. » dis-je à Sheila. « Qu’est-ce que ça sera la prochaine fois ? » Je soupire. Je regarde les habitants et rigole aux propos d’Hadès. « Je ne vais pas faire durer le suspens plus longtemps. » Je m’arrête un instant. J’espérais que mon secret tienne durant toute mon aventure, mais Sheila avait été plus forte que ça. « Effectivement, je fais partie de tous ces enfants nés dans le mauvais corps. » commençais-je par expliquer. « C’est un sentiment inexplicable. » A vrai dire, je n’aime pas en parler, mais c’est le jeu. « J’ai compris très vite que j’étais une petite fille et non un garçon comme l’indiquait mon apparence. Je n’ai jamais douté de mon identité, j’étais différente de Mattéo, j’avais une autre sensibilité, je faisais ‘’comme maman’’ pas ‘’comme papa’’. » C’est difficile d’expliquer cela à des gens qui commencent à peine à nous connaître. Ils me regardent tous et je ne peux m’empêcher d’arborer un sourire nerveux. « Mes proches s’en sont rapidement rendu compte. Mattéo ne me voyait pas non plus comme son jumeau, et ma mère me traitait comme sa fille différemment de son garçon. Par contre, mon père a eu du mal à l’accepter, mais malgré ses cris, il n’a pas réussi à changer qui j’étais au plus profond de moi. » C’était sans doute la pire partie de mon histoire. « Donc à l’âge de 12 ans, ma mère est partie avec moi, loin de mon père, et loin de Mattéo. Elle voulait me protéger, son souhait c’est que je sois celle que je veux. Elle s’est renseignée, et on s’est installé aux Etats-Unis où les transformations se font plus tôt qu’en France. » Je souffle, reprenant ma respiration. « Je prends des hormones depuis l’âge de 14 ans, mon apparence physique colle parfaitement à ce que je suis à l’intérieur depuis que j’ai 18 ans. Durant ma transformation, j’ai rencontré des gens qui ne comprenaient pas mes choix ni ceux de ma mère, des personnes fermées, blessantes et parfois méchantes. » Malheureusement, il y aura toujours des cons. « J’ai décidé de faire cette aventure pour retrouver mon frère que je vois très peu, mais aussi pour délivrer un message de tolérance. Je trouve qu’on n’est pas assez représenté et bien trop souvent stéréotypées, vous me l’avez d’ailleurs tous montré en vous offusquant lorsque Corentin a parlé de ça pour Blair et Chani. J’ai même pu entendre le mot ‘’travelo’’ et je trouve ça inexcusable en 2018. Avant d’être un travelo ou un trans’ comme vous dites, on est des êtres humains qui n’ont pas eu la même chance que vous à la naissance. J’aimerai aider toutes les personnes qui ont été dans le même cas que moi, ou qui le sont toujours. Il y aura toujours des cons, acceptez-vous comme vous êtes et croyez-en vous, car vous êtes celle/celui que VOUS pensez, pas ce que les AUTRES pensent de vous. » Je me lève, un peu émue par ce moment. « Donc je te félicite Sheila, tu as trouvé mon secret. » Il était temps d’ailleurs. « J’espère que votre regard ne va pas changer sur moi, car je suis celle que vous connaissez. Je suis une femme de 24 ans qui s’appelle Mona-Lisa. » Voilà chose faite, je peux à présent souffler, je me sens vidée par tout le stress de cette révélation, mais je pense avoir rencontré des personnes qui ne me jugeront pas pour ça.

Sheila émet l'hypothèse que Mona-Lisa est un transsexuel, et celle-ci est bonne. Mona-Lisa révèle à tous qu'elle est née dans le mauvais corps, et qu'elle a du subir des soins assez lourds afin d'être celle qu'elle a toujours été. Dans son discours, elle prône un message de tolérance, de paix. Son père a eu du mal à l'accepter telle qu'elle était, et je trouve cela bien regrettable. Après, peut-être qu'il était conditionné comme ça, on ne connaît pas le vécu des gens, et lorsqu'on en rediscutera, je suis sûr qu'elle sera ravie de m'en confier plus. « Franchement, chapeau pour ce secret et ce vécu ! ». Je me lève pour la prendre dans mes bras, car je suis fier d'elle, de ce qu'elle a réussi à être physiquement. C'est un mal-être qui a disparu au fil des opérations.

Sheila a trouvé le secret de Mona-Lisa. Chapeau l’artiste. A vrai dire Sheila est une grande joueuse, ça ne m’étonne pas du tout d’elle. Ce qui m’étonne cependant est le secret de Mona-Lisa, ma première réaction est d’ouvrir la bouche en grand, signe reflétant ma surprise. Mona-Lisa me semblait mature pour son âge, je comprends mieux dorénavant. Cette femme n’a pas l’air d’avoir eu une enfance facile vu le portrait de son père qu’elle nous peint a coups de mots. Une fois son discours terminé, je pense avoir le réflexe que tout le monde a, c’est a dire me lever et applaudir. Mon deuxième réflexe est de m’approcher d’elle en la prenant dans mes bras un court instant (il y a une dizaine de candidats qui veulent le faire, je ne peux pas la prendre dix ans dans mes bras ma foi!) en lui chuchottant quelques mots. « Sois fière de la femme que tu es, bravo pour ce message de paix que tu partages, c’est un très beau message! ». Jamais mon regard ne changera sur elle, ni celui des autres j’imagine. Je lui fais un bisou sur la joue avant de me retourner vers Sheila. « Bien joué championne! » sourais-je. Elle a été plus forte que nous, c’est un fait.

Je ne vois aucune réactions négatives de la part des candidats. Ils viennent vers moi pour me dire ce que j'ai envie d'entendre. Corentin arrive le premier, ce qui me fait fondre en larme sans que je ne le veuille. J'ai rencontré quelqu'un de formidable qui m'aurait sans douté aidé s'il avait fait partie de mon entourage à cette période. Je m'essuie discrètement la joue. " Merci. " dis-je à l'ensemble des candidats. "Bravo, ça me fait plaisir de t'offrir ma cagnotte. " dis-je à Sheila pour dédramatiser la situation.

Nan mais arrêtez Sheila, elle est Miss Secret, elle trouve un secret et en plus on lui donne de l'argent c'est pas trop tard pour voter pour Anastasie pour la virer ?

La révélation de Mona est vraiment émouvante. J'en aurais presque les larmes aux yeux... mais je suis convaincu que quand on approfondira, ce sera tout aussi émouvant. Ensuite, Arthur pense avoir le secret de Sheila... il s'est trompé. De même pour Hadès... il s'est trompé aussi. Puis il reste un dernier buzz... et ça me concerne, donc je m'installe devant les autres. J'écoute alors l'intitulé... puis je commence à parler : « Alors déjà, je serais content si tu nous donnais 5 000 euros de ta cagnotte... ». De la richesse, s'il vous plaît. « ... mais ce n'est pas le cas. ». Soit elle a la moitié, soit elle a mon secret. Quelle est la réponse ? Je m'explique de ce pas. « Déjà, il faut savoir que Léna n'est pas ma petite soeur... mais ma soeur jumelle. Et de base, on n'était pas censés être jumeaux, mais triplés. ». Faire croire que Léna était ma petite soeur était plus facile pour protéger le secret. « Comme vous pouvez vous en douter, lorsque ma mère est tombée enceinte, c'était la joie. Puis en fait, au bout de quelques semaines de grossesse, il se trouve qu'il y a eu un petit bémol. En effet, on - en quelques sortes - mangé l'un des embryons. Par conséquent, dès cet instant, il n'a plus existé... et nos parents l'ont su lors de la première échographie. Il y avait une sorte de vide, je ne saurais pas vous expliquer ce que c'était... et après beaucoup de travail appuyé sur les échographies, sur l'évolution de la grossesse, ce diagnostic a fini par être établi. Pour ce qui est de Léna et moi, cependant, tout s'est très bien passé, et aujourd'hui, on est plus heureux que jamais. ». Vraiment, je suis vidé face à la révélation. « Donc notre secret, c'est qu'on a tué notre frère. ». Je suis soulagé d'un poids. « On aurait pu avoir une belle complicité à trois, mais le destin a décidé qu'on ne l'aurait qu'à deux. ».