Jour 23

Je rentre dans la cuisine lentement. Récupère un bol et une cuillère dans le placard avant de le déposer sur la table pour aller chercher des Corn Flakes de Kellogg's et du lait. Je m'installe ensuite sur la table sans porter aucune attention à Farah. Je n'ai absolument pas envie de lui adresser la parole, et encore moins de tenir une conversation avec elle (conversations qui sont plates et sans intérêt aucun). Je verse un peu de céréales dans mon bol puis y ajoute du lait, et commence à manger. C'est mon premier repas de la journée, et parler haute gastronomie avec Kyet m'a ouvert l'appétit.

Je reviens - en peignoir - à la cuisine... et je croise Matthew. On n'a pas encore abordé le sujet des sous-vêtements sales, et je préfère ne pas l'aborder. Je m'installe et je me sers donc un bout de camembert. « Je t'en sers un bout ? ». Je préfère éviter le sujet des sous-vêtements sales... je ne sais pas comment il a pris le truc, et ce serait assez gênant d'en parler. Je lui souris, et je le regarde - par la même occasion - prendre ses corn flakes.

J'ai mangé la moitié de mon bol lorsque Vincent me rejoint et me propose un morceau de camembert ... Je suis entrain de manger mon petit déj et toi tu me proposes du fromage ? Oui je prends mon petit déjeuner à 19 heures mais ça coule sous le sens que je vais décliner l'offre. "Non ça va aller, je vais rester sur mes céréales, le fromage c'est pas mon trip ..." C'est vrai. Ca sent fort, ça pu, et la plupart du temps, c'est de la moisissure qu'on te fait manger. Qu'est-ce qui est appétissant là dedans ? Il commence à manger et je sens l'odeur de vieille chaussette arriver jusqu'à mon nez ... Attendez, vous avez dit vieille chaussette ? Je regarde Vincent sans parler. Est-ce qu'il aime les choses qui sentent mauvais ? Mes chaussettes puaient tant que ça ? "Tu fais ça souvent ...? Pas le camembert hein ... L'autre chose ..." Je demande un peu gêné.

Il refuse car le fromage n'est pas son trip. Chacun ses goûts. En tant que normand qui se respecte, pour moi, le camembert, c'est la base, mais bon... ce n'est pas du goût de tout le monde, donc si il refuse d'en manger, je peux comprendre. En tout cas, ses corn-flakes ont l'air bons... et j'aime bien sa façon d'en manger... il mange un peu salement, et il a du lait qui dégouline sur sa barbe... j'aime ça, mais je ne le montre pas. Il me demande ensuite si je fais ça souvent. Si je fais quoi souvent ? Ah, si je sens souvent les chaussettes sales des mecs... je ne me prononcerai pas. Je réponds donc, avec le sourire, tout en me resservant un nouveau morceau de camembert après avoir terminé le premier : « M'asseoir lorsque je mange dans la cuisine ? Je le fais tout le temps. ». Esquivons comme on peut ! Je le regarde quand même dans les yeux pour lui signifier que lui et moi, on s'est compris... cependant, je n'ai pas vraiment envie de lui en parler maintenant. Pourvu qu'il comprenne !

Vincent dévie le sujet, tourne autour du pot, et me lance un regard entendu. Que je décide de ne pas entendre, parce que ça va bien cinq minutes les conneries, mais depuis vendredi soir j'y pense, l'air de rien. Je fais non de la tête avant de lui lancer "Me prend pas pour un imbécile Vincent, je suis un peu froid, cassant, j'aimerais juste savoir ce que tu fais avec mes chaussettes quand je ne suis pas là, c'est un peu gênant quand même ..." Je garde ma cuillère de Corn Flakes en suspend, l'agitant au dessus du bol tout en parlant. "Parce que je veux bien qu'on joue un jeu de séduction tous les deux, qu'on soit proche tout ça ... Mais ... Mais des chaussettes merde ? Mes chaussettes." Je marque un temps de pause. Puis reprends une dernière fois. "Non vraiment j'aimerais comprendre pourquoi tu fais ça ?" Je finis finalement par manger mes céréales, et m'essuie la barbe d'un revers de la main. Farah s'en va. Je la regarde se lever, son visage est tendu. Sûrement pas à cause de la pression ou du stress, juste à cause du botox qui l'empêche d'avoir des expressions faciales. Parce que les seules faciales qu'elle prend, c'est pas des sourires, croyez-moi.

Romane a faim et quand elle a faim, elle va dans la cuisine. Étonnant n'est-ce pas. Alors elle traine, sans se soucier de Matthew et Vincent qui parlent. Elle fait ses bails tranquillement.

Grillé ! Je n'ai plus d'issues possibles. Je n'ai d'autres choix que d'acquiescer à ce qu'il dit... car malheureusement pour moi, il a raison... donc je ne peux pas nier. La production a vraiment réussi à foutre la merde. Juste pour des chaussettes, ça part aussi loin ? Ce n'est pas possible. Il me dit que c'est gênant... ça peut-être compréhensible, car c'est gênant pour moi aussi de devoir assumer : « Hum... il faut que je te dise un truc. Si je te le dis, tu vas comprendre pourquoi j'ai fait ça. ». Putain, comment lui dire ça ? Comment lui dire ça ? Qu'on m'aide, s'il-vous-plaît... je n'arriverai pas à assumer là. C'est alors qu'il me demande pourquoi j'ai fait ça. Bon... je prend mon courage à deux mains, je respire un bon coup, je le regarde droit dans les yeux... et une fois que ce sera dit, je pense que je serai soulagé. « Écoute... j'aimerais que tu ne le dises à personne, mais... je suis fétichiste depuis mes 14 ans. J'aime bien les odeurs de pieds... et je ne peux pas expliquer pourquoi... c'est chimique... dès que je sens une odeur comme ça qui provient d'un mec, ça m'excite automatiquement... et quand j'ai voulu mettre le linge sale dans la machine, la semaine dernière, je n'ai pas pu m'en empêcher. ». Deux secondes après mes explications, Romane arrive... NON !!! J'espère qu'elle n'a rien entendu de tout ce que j'ai dit. Putain, qu'est-ce que ça me gêne. Je rougis, puis je lui dis timidement : « Euh... bon... bonjour Romane. ».

Son visage change du tout au tout, et je comprends qu'il n'a pas senti mes chaussettes pour vérifier si il pouvait se branler dedans ou non, et que c'était plus compliqué que ça. Je l'écoute s'emmêler les pinceaux tandis que je finis mon bol. Si il ne s'agissait pas de mes propres chaussettes, il m'aurait vraiment fait de la peine. Là, j'avoue hésiter entre partir en courant et le prendre dans mes bras pour lui dire que ça allait passer ... Malheureusement (ou heureusement en fait), je n'aurais le temps de ne rien faire de tout ça, puisque Romane rentre dans la cuisine. Elle ne nous calcule pas plus que ça, mais Vincent la salue en bégayant. Comment te dire que c'est le meilleur moyen pour lui mettre la puce à l'oreille et qu'elle veuille à tout prix savoir de quoi on parlait ? C'est vraiment la pire des erreurs stratégiques. Je profite de quelques secondes pour analyser ce que le brun vient de me dire ... Donc il est fétichiste et potentiellement amoureux de moi. Très bien. Ca ne colle pas. Il y a comme un problème. On veut faire rentrer une pièce carré dans un trou rond, ça marche pas, c'est impossible ... Je le regarde avec compassion et un peu de rejet, puis me concentre sur la belle blonde. "Alors comme ça on rentre et on dit même plus bonjour ? Je lui souris et attend qu'elle s'approche. Tu pourras me faire une eau citronnée s'il te plaaait ?" Je mise tout sur la tête d'ange que je viens de prendre. Et au cas ou elle dise non, je rajoute : "... Pour l'haleine ?"

Ah ben ça chauffe entre Matthew et Vincent, et de la manière qu'elle préfère en plus, elle est bien tombée. Ça parle du fétichisme de Vincent. Elle fait une grimace alors qu'elle est de dos, cherchant dans le frigo un truc à grignoter. Vincent la salue tout d'abord et Matthew lui reproche gentiment de ne pas avoir dit bonjour. « je trouve ça bête de dire bonjour à cette heure-ci alors qu'on évolue tous dans un même espace, qu'on est amené à se croiser à tout moment de la journée, à se voir toutes les heures. C'est comme si je disais bonjour à ma mère à chaque fois que je la croise dans une nouvelle pièce, c'est ridicule » fit-elle en haussant les épaules. Oui c'est très agaçant. Alors non, elle ne les snobe pas, elle trouve ça juste normal et pas utile. Au réveil d'accord mais pas là. Il lui demande une eau citronnée et elle fait mine de réfléchir sérieusement, d'étudier au moins la question avant de la rejeter. « et tu me fais à manger en contre partie ? mais pas ton bol d'ado, je veux de la viande, un peu saignante mais pas bleue non plus. Avec un petit lit de légumes verts, des haricots ou des petits pois, surprends-moi » exige t-elle avec un sourire, ses yeux de biche papillonnant adorablement pour le convaincre.

Elle part.

Je suis Romane lorsqu'elle quitte la cuisine, direction la soirée disco. Je ne lui ai pas fais à manger. Je n'ai pas bu mon eau citronnée. On a échappé au pire.

Je quitte la cuisine.