Jour 12

Romane se ramène avec son repas ici pour manger tranquillement.

J'arrive avec mes deux assiettes, donc celle de pâtes, remplie à ras le bord. Prochaine fois, tu devrais utiliser un nom de code... Ce sera plus simple pour que je comprenne ! Je m'installe à ses côtés et mange les pâtes à la bonne franquette, sans tenter de paraître distingué ou quoi. Tu crois que ça peut marcher entre les deux ? Si j'étais sûr d'une chose, c'est que Romane aimait autant jouer au cupidon que moi.

Langage codée ? « ou tu pourrais apprendre à lire dans mes yeux... » fit-elle en ouvrant grand ses yeux de biche bicolore. Parce que oui, regardez bien, ses yeux sont d'abord bleu clair au rebord, puis vert au milieu avec des teintes de jaune et gris par-ci par-là bref, ils sont trop beaux. Bon, elle dit ça juste pour le contredire, le taquiner un peu. Romane est installée et mange toujours avec dignité, peu importe la situation. « Non bien sur que non ! » Elle est honnête, c'est comme ça qu'elle le voit. Mais s'ils lui donne tort, alors tans mieux ! « Mais faut pas voir Nauraa comme une petite fille naïve non plus, je pense qu'elle sait très bien dans quoi elle s'embarque avec Steven et qu'elle ne s’investit pas émotionnellement dans cette relation. » C'était tout pour elle ! « Je pense que c'est la meilleure chose à faire ici, ne pas s'investir dans les relations » fit-elle un peu pensive. Au risque d'être déçu.

Elle me propose l'alternative de lire dans ses yeux. Si je m'y fie, je dirais que Romane n'est pas une fille très stable. Bleus, verts, jaunes, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ! J'y donne du mien, prenant tout ça au premier degré. Le regard est le reflet de notre âme, non ? C'est un truc comme ça en tout cas. On parle ensuite de Nauraa et Steven et elle vient casser mon trip directement. Rabat-joie ou réaliste ? Je laisse la main. Crois moi que je me suis jamais autant fait violence pour ne pas m'arrêter à ce que les gens décident de projeter. J'ai toujours cette envie de faire le bon samaritain... Mais j'ai comme l'impression que ça pourrait me jouer des tours ici ! D'après elle, ne pas s'investir dans les relations serait une bonne solution. Tu as sûrement raison. C'est que tu fais, toi ?

Romane lâche un sourire face à ce discours un peu guimauve. « Et moi, qu'est-ce que je projette selon toi ? Comment tu me vois ? » demande t-elle un peu curieuse. Il lui demande ensuite si c'est ce qu'elle fait, ne pas s'investir. « Un peu oui, mais de façon naturel. Je me suis jamais dis : Romane, ne t'attache pas trop à cette personne. C'est plutôt... instinctif. C'est peut-être pour ça que j'ai aucun coup de mou depuis le début » elle hausse les épaules. Peut-être qu'elle aurait déjà pleuré ou eu plus d'instant privilégié avec les personnes si dans sa tête, elle n'était pas dans ce mode là. Alors qu'elle s'apprêtait à manger ses pâtes, elle s'arrête un instant.  « Tu m'excuseras mais je vais commencer par le dessert finalement ! » Elle sourit avant de prendre un morceau du gâteau avec sa fourchette qu'elle goutte du bout des lèvres. Super bon ! « C'était une tradition quand j'étais gamine avec ma mère. Une fois par semaine, on faisait un diner inversé. On commençait par le dessert et on finissait par l'entrée ! » Son sourire se fait plus sincère, telle une gamine en y repensant. « C'est le seul compromis qu'elle a su trouver pour céder raisonnablement à mes caprices qui voulait toujours gouter le dessert. Une fois par semaine, déjà à six ans j'avais déjà le sens de la négociation ! » fit-elle en lâchant un rire. Oui ça va, elle aurait pu faire ça pour tous les jours mais elle avait déjà compris à cet âge là qu'une fois par semaine, c'était déjà bien. Et pourtant, dieu sait qu'elle a la folie des grandeurs la Romane.

Sa question me met un peu dans une situation inconfortable. Comme souvent, j'ai pas envie de mal répondre. Et si pour une fois, je décidais simplement d'essayer d'arrêter de penser aux autres ? Si je te dis que tu restes pour moi un grand mystère, je suppose que tu le prends comme un gros compliment ? C'est vrai au fond. Elle a une bonne répartie, on s'amuse à se lancer de petites piques, mais elle peut aussi se montrer sympa. Mais il y a aussi une espèce de part sombre en elle. Son retrait émotionnelle est plutôt quelque chose d'instinctif chez elle. Parfois, j'ai l'impression qu'il pourrait presque s'agir d'un don. Il faudra que tu m'apprennes comment tu fais alors. Mais je suppose que j'ai perdu trop de proches pour supporter le poids des éventuelles belles histoires que j'aurais pu vivre en m'y investissant. Dis-je, dans un petit sourire. Elle entame le gâteau au nom imprononçable tout en me dévoilant une petite anecdote. Déjà une vraie princesse à l'époque... ! Et comme elle le dit si bien, déjà le sens des négociations. On ne mangeait pas de dessert à la maison. C'est bête, ma mère a toujours cru qu'il fallait nous faire comprendre que se satisfaire du nécessaire, c'était la clé du bonheur. Mais quand tu viens de Guinée, l'appât du gain est quelque chose d'inné. En vouloir toujours plus, pouvoir te dire ''j'ai réussi''. C'est important pour nous... Pour moi.

« Oh, je cherche pas à être mystérieuse tu sais. Mais oui, on va dire que c'est positif ! » Peu importe au final ce qu'il aurait dit, elle était simplement curieuse de savoir comment il la percevait.  « C'est pas forcément une bonne chose. Tu peux passer à côté de mauvaises choses certes, mais aussi de très bonnes choses » Ce "don", c'est à double tranchant. Et pas sur que ça s'apprenne, c'est plutôt inné. Elle est très bien comme elle est mais Kovu est tout aussi bien comme il est. Elle sourit quand il la traite de princesse. Elle assume ! Elle n'est d'ailleurs pas vraiment d'accord avec le diction qui dit : se satisfaire du nécessaire mais en même temps, vu le cadre où elle a grandi, ça n'a rien d'étonnant. « Et alors ? Ca t'as plutôt aidé ou desservi cet état d'esprit, de vouloir toujours plus ? T'as déjà eu l'occasion de crier : j'ai réussi ? » fit-elle avec un sourire. J'ai réussi... Elle sait pas trop si elle pouvait le crier à l'heure actuelle Romane.

J'avoue être assez étonné de savoir qu'elle ne cherchait pas à être forcément mystérieuse. C'est peut être simplement la distance qu'elle essaye à garder par rapport aux relations qu'elle peut avoir ici. En tout cas, je ne pouvais formuler de réponse plus honnête. Et à partir de quel moment on fait le choix de se prémunir des mauvaises choses, quitte à en louper de bonnes ? J'ai toujours pensé que toutes les belles choses méritaient qu'on souffre pour. Je lève les yeux au ciel, lorsqu'elle me demande si ce fameux état d'esprit m'avait finalement servi à quelque chose. L'Homme est un éternel insatisfait. Répondis-je, un peu énigmatique. Disons que je suis fier de mon parcours... Mais la réussite, ce n'est pas une fin en soi. Et ce ne le sera certainement jamais.

C'est... une bonne question. Elle plisse légèrement les yeux en mode, c'est un graaand mystère, tu voudrais savoir heiin mais elle va quand même essayer de lui répondre étant donné qu'elle vient juste de dire qu'elle ne cherche pas à être mystérieuse. « quand on apprend la vérité sur soi-même » finit-elle par avouer, comme si de rien n'était alors qu'elle vient de lui révéler un énorme truc. « mais je suppose que ce moment, il est propre à chacun ! » fait-elle déjà plus guillerette, avec un sourire déjà dépêtrée d'un moment qui pouvait devenir gênant. Il lui répond alors en proverbe. « C'est toi qui veut jouer les mystérieux en fait ! » se moque t-elle gentiment. Mais elle comprend ce qu'il veut dire. Y aura jamais de dénouement, on aura toujours un but dans la vie que l'on veut accomplir et c'est bien mieux ainsi ! Elle finit finalement de manger tout le gâteau. « faut que tu manges ton gâteau avant qu'il refroidisse, c'est une tuerie ! » façon de parler.

J'éclate de rire lorsqu'elle force le regard mystérieux. Peut être que ça passerait dans un concours de sosie de Magicarpe. Elle fait quand même l'effort de répondre. Devant la problématique bien profonde que soulève sa réponse, je hoche simplement la tête, me goinfrant de pâtes. Pas la force de se lancer dans débats identitaires si tard dans la nuit. Et alors, je joue bien le mystérieux ? Ou j'ai encore une grosse marge ? Parce que je pouvais encore appuyer un peu plus mon regard. Il paraît qu'il est grave ténébreux ! Tu parles... Un visage de bébé oui. Elle me conseille de manger le gâteau avant qu'il refroidisse. Je termine mes pâtes puis j'attaque ce fameux Mikalololilo Un truc du genre, j'suis sûr !

« oui je pense que tu pouvais encore appuyé sur le regard ! » se moque t-elle dans un rire enfantin. Elle sourit quand il tente de prononcer le nom du gâteau. « je t'avoue que je m'y suis même pas risquée moi-même » non mais c'était trop dur aussi ! Finalement, alors que Kovu mangeait son gâteau, Romane quant à elle finissait ses pâtes. Ils finirent tous les deux et rejoignirent la maison pour faire de beaux rêves.