Jour 21

Après réflexion, et surtout avec le manque d'envie de dormir dans l'une des chambres où il fait une chaleur à en mourir, j'ai installé mon lit au fond des bois, là où personne ne viendra ronfler, là où j'ai vue sur un ciel étoilé, là où je serai bien au frais.

Et j'ai passé une très bonne nuit. Je me réveille en meilleure forme que la veille, commençant à me faire à l'idée qu'entre Nadia et moi il ne se passera rien. Je me lève, refait mon lit et pars, direction la salle de bain.

Après une journée assez calme passée à réfléchir et à tourner dans ma tête les éléments de ma conversation avec Liam d'hier, j'en étais arrivé à l'idée qu'il fallait que je laisse les choses aller. Que je ne m'interpose pas entre le couple que pouvait former Liam et Esteban pour ne pas mettre Liam dans une mauvaise position et pour ne pas me faire souffrir. Je m'installe donc, m'asseyant contre un arbre pour sentir les feuilles en dessous de moi. J'étais encore dans mes pensées, mettant du temps à réaliser que je n'avais de toute façon aucun recours. J'en viens à prendre une feuille, jouant avec au gré de mes évasions.

Après une séance de sport et un bon rituel dans la salle de bain, j'ai envie de faire une petite excursion nocturne dans les bois. Le mec superficiel que je suis n'aime pas les bêtes et la verdure... mais j'aimerais aller sur un terrain plus exotique, sortir de ma zone de confort. Muni de bottes, je commence à marcher le long des bois... le soleil est quasi-couché, les oiseaux chantent, il fait sombre... mais c'est ce que je voulais : l'aventure. J'ai quand même une lanterne sur moi afin de m'éclairer et de me frayer un chemin. Je respire... je marche, je marche, je marche... puis à un moment, grâce ma lanterne, j'aperçois une personne assise contre un arbre. Je m'approche d'elle... et c'est Giani : les cheveux rouges, tout ça. J'aurais pu continuer ma route comme si de rien n'était... mais je l'observe de plus près, et il a l'air pensif... je m'approche de lui : « Qu'est-ce qui se passe ? ». Il n'a pas l'air très bien...

Alors que j'étais perdu dans mes pensées, je n'avais pas fait attention à l'arrivée d'Esteban. J'aurais fais un très mauvais chasseur étant donné que malgré le bruit de ses bas, ma tête n'avait pas bougé d'un poil. J'en viens à le remarquer lorsque sa tête s'approche de moi, il me demande ensuite si tout allait bien. A vrai dire, Esteban était sûrement la dernière personne que je voulais voir après toute ces histoires. Mais je ne pouvais pas m'en prendre à lui, car dans l'histoire ce n'était pas lui le fautif. Ma jalousie parlait mais ça aurait été irrationnel de la laisser s'exprimer. Je ne voulais aussi surtout pas parler de mes sentiments à Esteban ni de ce qu'il s'était passé hier soir, alors je me contentais de lui répondre. « Oh rien t'en fais pas, j'avais besoin d'être un peu seul. Mes proches me manquent. ». J'esquisse un léger sourire pour qu'il ne se doute de rien. Tout ce que je voulais, c'était qu'il ne me pose aucune question sur ma relation avec Liam. « Et toi, qu'est-ce que tu fais par ici ? ».Faut dire que ça aurait été le dernier endroit où j'espérais croiser Esteban, lui qui était si précieux dans ses agissements et qui osait à peine toucher l'éponge du lavabo. Je scrutais sa réaction.

Ayant croisé Giani pensif en pleine expédition, je ne pouvais guère le laisser seul. Les jambes repliées, la tête baissée, il est là et il réfléchit... ça me fait quand même un peu de peine de voir ça. J'pensais pas que j'arriverais à ressentir ça, ici... à l'extérieur, j'ai aucune pitié. Quand quelqu'un est mal, il m'arrive parfois de prendre plaisir à l'enfoncer. C'en est jouissif... mais ce n'est pas une jouissance durable. À chaque fois, je finis par être pris de remords... même si je ne le montre pas. Et des fois, j'ai conscience que je vais être comme ça... mais j'ai envie de changer... mais des fois, je rechute. Je ne sais plus où j'en suis. C'est aussi pour ça que j'avais besoin de me retrouver seul, autour de toute cette verdure. Il me dit que s'il est comme ça, c'est simplement parce que ses proches lui manquent. Quand il dit le mot "proches", mon coeur se serre... c'est comme si on me poignardait... et quand le mot "manquent" est prononcé, cet effet s'accentue. J'ai du mal à comprendre ce qu'il ressent, j'ai du mal à m'y retrouver... j'me contente juste d'un sourire compatissant mais masquant : « Tu les retrouveras à la sortie. Bats-toi pour eux ! ». Ce sont les phrases clichées... mais à part ça, je ne sais pas quoi dire. Je ne ressens pas la même chose que lui... mais je ne peux pas lui en parler. Peut-être parce qu'on ne se connait pas bien... mais je ne peux pas lui en parler. On change alors de sujet... et je n'arrive toujours pas à me remettre. Je fais genre que tout va bien, mais au fond, le fait qu'il parle du manque des proches m'a mis assez mal. Le londonien me demande ce que je fais par ici... « Je... ». Je m'embrouille dans mes pensées, je ne sais plus quoi répondre... sa phrase d'avant m'a totalement déstabillisé. « ... je me ressourçais. ». Ayons espoir qu'il ne cherche pas à développer... mon coeur bat à mille à l'heure, mais j'me montre légèrement souriant. Faut pas qu'il se doute de quoi que ce soit... surtout qu'à la base, c'est lui qui était déprimé, donc c'est à moi de le réconforter.

Je venais juste pour me coucher dans ma nouvelle chambre mais je vois que y a des squatteurs. Ne pouvant pas RP ce soir et ne voulant pas interférer dans leur conversation je salue Esteban et Giani avant de poursuivre mon chemin et d'aller beaucoup plus loin que ça encore dans les bois, pour retrouver mon nouveau lit, bien au frais.

Esteban est de manière surprenante encourageant lorsqu'il parle de mes proches. J'esquisse un sourire en hochant la tête alors qu'en vérité, mes soucis ne venaient pas de là. Et voir Esteban à mes cotés me ramenait à ce que Liam me disait, je sentais encore l'émotion monter alors ma tête ne pouvait penser à autre chose. Les deux en train de s'enlacer, les deux en train de se toucher, de s'explorer l'un l'autre. Je m'imaginais dans un monde meilleur où j'aurais pris la place d'Esteban, où cette personne que Liam enlaçait, c'était moi. Mais non, j'étais dans la réalité et elle était tout autre. Mine de rien, je voyais qu'Esteban n'était pas non plus dans son état quand je mentionnais mes proches. A vrai dire, j'aurais sûrement mis mon nez dessus si j'avais été d'une humeur décente. Mais là, la tête n'y était pas et j'étais déjà assez en détresse pour devoir m'occuper des sentiments de quelqu'un d'autre. Alors je fais mine de rien n'avoir perçu. Et me relève en posant une main sur l'épeule d'Esteban alors que je m'apprêtais à rentrer pour éviter de me faire du mal inutilement. Je n'étais pas encore prêt à faire comme si de rien n'était. Je n'étais pas encore prêt à parler à Esteban en omettant le fait qu'il aille se coucher ensuite aux cotés de Liam, alors je viens lui dire simplement. « Tu verras, être un peu seul, ça remet les idées en place. » C'est tout ce que je pouvais lui offrir ce soir, cette simple phrase, cette simple interaction forcée, c'était tout ce que mon coeur me permettait de faire aujourd'hui. « Bonne nuit Esteban. » ajoutais-je comme pour lui faire comprendre que je n'allais pas continuer cette conversation. Et qu'il était de toute façon bien trop tard pour que je puisse tenir quoi que ce soit sans que la fatigue n'emporte le pas et me fasse perdre ce masque que j'avais mis si longtemps à construire. Alors je préférais fuir, quitte à paraître suspect, quitte à paraître froid. Je salue Edgar au passage avant de retourner d'où je venais.