Jour 8

Je me ramène et je m'allonge sur l'herbe. Je suis totalement serein pour ce soir. J'décide de me ressourcer devant la faune et la flore.

J'aurais vraiment pas dû embrasser Nadia sur le crâne la dernière fois, elle m'a refilé ce qu'elle avait ce qui fait que moi et mon métabolisme d'anémique avons du rester bien au fond de notre lit depuis le début de la semaine. Mais maintenant que je me sentais mieux, c'est pas ça qui allait m'arrêter ceci dit. Fallait que je prenne l'air et que je me sorte un peu, j'en pouvais plus de rester enfermé. Je me pointe dans le jardin et voit Esteban qui est déjà détendu. C'était peut-être la dernière personne sur laquelle j'avais envie de tomber à vrai dire. Le mec avait pas brillé à mes yeux sur sa sympathie et j'avais bien vu ses regards inquisiteurs qu'il m'avait lancé. J'avais laissé coulé. Je me pose à mon tour sur l'herbe, quelques minutes pour m'adonner à ce que je préférais ici, le calme. Sauf que ce calme devenait de plus en plus oppressant au fil du temps où je ressentais la présence d'Esteban à mes cotés. C'était un silence de mort, un silence gênant comme si l'un et l'autre n'avait rien à se dire. Je finis par lâcher un « Pas trop stressé pour ce soir ? » assez entendu pour venir briser cette accalmie. En espérant que l'autre ne me saute pas à la gorge comme il avait pu le faire pour d'autre.

Je suis posé, je suis torse-nu, je suis en maillot de bain, je bronze. Un teint comme le mien s'entretient. J'oublie pas de changer de côté de temps en temps. Encore une fois, j'aime bien la solitude. Y a plus d'intimité, plus de tranquillité... mais encore une fois, je sens que ça va pas durer. Un boulet va encore se ramener et déranger cette bonne ambiance. Et je vois juste... le mec aux cheveux rouges se pointe. Je change de côté, j'me mets à plat ventre. J'dis rien, pas bonjour, pas au revoir, pas merci, pas merde. J'ai la flemme de discuter, ce matin. J'ai juste envie qu'on me laisse bronzer tranquille. Alors je sais, on va dire que je suis associal, machin truc, mais j'en ai rien à foutre. Je suis bien solo. Et il m'ignore, donc il a compris qu'il fallait pas me déranger. Ah non... il a pas compris. Il me demande si je ne suis pas trop stressé pour ce soir. J'suis obligé de le regarder pour lui répondre, du coup, j'le regarde... « Non, je sais que je vais revenir haut la main. ». Rosalie partira, c'est sûr et certain. « Le public n'adhérera pas à la folie de l'autre, du coup, c'est tranquille. ». Ils me préféreront à elle, c'est indéniable. J'le regarde et il est mal habillé. Encore un qui croit que mettre des trucs qui vont pas ensemble, c'est être so famous et so original. J'en ai vu passer des tonnes avant lui. « Dis moi, tes vêtements, tu les as achetés où ? ». Donne moi les noms des magasins, histoire que j'y aille surtout pas.

Alors que j'essayais de casser ce silence pesant en essayant de lancer la conversation, je sentais bien qu'Esteban se sentait complètement saoulé par mon intervention. Et alors que sa bouche déblatérait des mots, je ne voyais que dans son visage du mépris et de la condescendance. Et c'est là où nos deux personnalités étaient diamétralement opposés. On avait pas le même parcours, pas le même bagage. Lui préférait prendre de haut les gens, j'étais plutôt quelqu'un d'empathique. C'était le ying et le yang, le feu et la glace, deux éléments qui étaient vouer à ne jamais s'entendre et c'est aussi ce que je ressentais. J'hoche la tête. Il avait l'air bien sûr de lui. On en saura sûrement plus ce soir. Mais c'est vrai que Rosalie ne brillait pas par sa présence. Bien vite il en vient à me demander d'où sortait mes vêtements après m'avoir longuement lancé un regarde dédaigneux. « J'ai un ami à Londres qui a sa propre marque et j'aime beaucoup ce qu'il fait. Ça commence à bien marcher mine de rien et faut dire que je suis vraiment content qu'il puisse se développer aussi rapidement. » rétorquais-je avec un grand sourire. Et tu fais quoi de ta vie TOI Esteban ? Son avis m'importait peu en vérité. C'était pas le premier mec avec un melon démesuré que j'avais croisé et ça serait sûrement pas le dernier. Je m'habillais un peu comme je le sentais, tant que ça me plaisait. « Et alors avec Edgar ? Vous avez pu vous expliquer finalement ? » demandais-je neutre, simplement pour en savoir plus sur le fin mot de cette histoire.

Il me répond... ces fringues viennent d'un ami à lui qui habite à Londres. Il lui fait de la mauvaise pub, je trouve. Enfin, cette pub semble justifiée... ça a l'air d'être de la mauvaise qualité. Par exemple, j'aperçois un défaut de fabrication en bas du tee-shirt. Le fil dépasse. Avec une vraie marque, y a pas ce problème-là. Mais bon, on ne peut pas tous se payer le luxe, on en revient toujours au même point. Il me dit que son entreprise commence à bien marcher, et tout et tout. Bref, il me raconte sa vie alors que j'en branle, je lui ai pas demandé ça. « C'est en quel matière... ça ? », demandé-je en touchant le tee-shirt. C'est du synthétique, non ? En tout cas, j'pense pas que je porterais ça. Non. Il me demande ensuite ce que ça donne avec Edgar, si on a pu s'expliquer ou non. J'croyais que ça l'intéressait pas... l'autre jour, quand j'ai fait mon coup de gueule au salon, il s'est contenté d'un "t'as fini ?". Faut savoir ce qu'il veut... en même temps, cette semaine, j'ai été en tête d'affiche. Du coup, à un moment, il est obligé de s'intéresser à moi. « Bah... je l'ai pardonné, et maintenant on se reparle normal. On n'a pas eu l'occasion de reparler de ça. ». Puis bon, maintenant, l'histoire est derrière moi, j'vais pas être rancunier. « Par contre, ce qui m'a déplu, comme je l'ai dit l'autre jour au salon, c'est la réaction - ou plutôt la non-réaction - des autres. ». On me prend pour une drama queen, mais ça m'a vraiment touché. Non pas que le fait qu'on n'ait pas pris MA défense m'ait atteint... mais je trouve que dans la société actuelle, on défend trop les femmes, quitte à complètement mettre les hommes de côté. C'est dommage.

Et alors que j'avais juste demandé un peu de calme, Esteban continuait à me dévisager et à me toucher avec ses grosses paluches de mannequin. Je me recule légèrement lorsqu'il attrape un bout de mon t-shirt pour lui faire comprendre que je n'aimais pas vraiment ses manières. C'était quelque chose que je réservais aux gens que j'appréciais, hors il n'en faisait pas parti. « Tu veux peut-être que je te donne le numéro de mon pote ? Je suis sûr qu'il sera ravi de parler chiffon avec toi. » fis-je avec un léger sourire moqueur. Pas que cette discussion m'emmerdait, mais un peu quand même. Il m'annonce ensuite qu'ils se sont pardonnés et que tout va bien. J'ai dû mal à y croire honnêtement mais bon soit, en vrai je m'en foutais. Et le voilà ensuite qui repart dans son explication de l'autre jour, je l'écoutais d'une oreille très peu attentive, me contentant d'arracher l'herbe autour de moi comme un enfant avant de lâcher bas et sans m'en rendre compte à la fin de sa deuxième phrase. « Oui, enfin dis plutôt que ça t'énerve que le monde ne tourne pas autour de toi. » Oupsie, c'était pas voulu mais sorry not sorry. J'avais pas suivi leur histoire, mais à vrai dire depuis le début, j'avais seulement entendu Esteban gueuler pour un oui ou un non.

Alors que j'effleure son tee-shirt, il se recule. « Y a quelque chose qui te dérange ? ». J'me doute qu'il complexe par rapport à la qualité du tissu. Il pourra jamais se payer ce que moi j'me paye, et ça le fait chier. J'le regarde tel un extraterrestre, et il me propose de lui donner le numéro de son pote. Bon, il cherche la merde, lui... « S'il est aussi beau que ses habits sont de bonne qualité, j'préfère pas, non. ». Il commence à me courir sur le haricot, celui-là. J'le regarde d'un oeil plus mauvais qu'auparavant. En plus d'être moche, il a l'air sacrément con. Il n'a visiblement rien pour lui. Lorsque je fais l'effort de lui adresser la parole, il fait autre chose, il joue avec l'herbe. Bref, il s'en carre complet. « Le pathétique est à la mode, ici. ». Même si j'suis pas le mec avec le meilleur jeu social, j'ai un minimum d'éducation, contrairement à lui. Il me dit que ce qui m'énerve, c'est que le monde le tourne pas autour de moi... j'éclate de rire. Mais c'est pas n'importe quel rire... vous savez, c'est le fameux rire qu'on fait quand quelqu'un dit quelque chose qui blesse, mais qu'on veut pas le montrer. J'le regarde dans les yeux et je lui balance : « Et toi, t'es frustré parce que je suis plus frais que toi et que je sais déranger. ». C'est ma phrase préférée depuis le début. Bon, après, j'dois admettre qu'il a touché un point sensible : je déteste quand les choses ne tournent pas autour de moi.

Il me demande rapidement s'il quelque chose me dérangeait. « J'aime pas qu'on me touche, c'est tout. » A vrai dire c'était totalement faux, j'étais même plutôt tactile avec les gens mais quand c'était quelqu'un que je n'appréciais pas vraiment, fallait dire que ça me démangeait beaucoup. Et alors là, Esteban fit la pire erreur qui soit en ma présence, s'attaquer à des gens que j'aimais et qui m'entourait tous les jours. Mon regard change du tout au tout, fini le Giani compatissant, fini le Giani médiateur et raisonné et qui tentait de détendre l’atmosphère. Je me relève et je le coupe net avant qu'il aie l'occasion de rajouter une autre phrase. « Alors qu'on soit clair, que tu joues à ton petit jeu avec moi passe encore. Que t'essayes de te mettre à dos tout le monde pour tenter de passer 5 minutes à la télévision dans ton existence minable, i don't care. Mais t'avises plus de parler de mes amis comme ça. » Mon regard était noir et la phrase sonnait vraiment plus sous le joug d'une mise en garde qu'autre chose. Je me lève, en ayant eu assez pour mon après-midi. Alors que je me retourne, je le sens m'envoyer des petites piques à nouveau. Je me retourne, exaspéré « Girl, tu fais quoi de ta vie au juste ? Pose toi les bonnes questions, je sais pas. T'es le casse couilles en chef par ici à tel point que tout le monde veut te voir dégager car tu es insupportable. Tu veux une médaille ? » Chaque mot agissait comme une lame qui était planté et je voulais faire comprendre à Esteban qu'il fallait vraiment pas mess up avec moi. Je marque une pause avant d'ajouter. « T'es sûrement le plus pathétique de nous deux, ça fait une semaine que tu gueules comme un putois pour attirer l'attention sur toi, et ça fait une semaine que personne n'en a rien à foutre. »  Je me retourne à nouveau, commençant à m'en aller vers à l'intérieur en rajoutant. « Profite bien de ton SAS ce soir, en espérant que ça t'apporte un peu d'humilité. » finissais-je avant de me diriger vers la maison, exaspéré.

Il me dit qu'il n'aime pas qu'on le touche. Quel gros blaireau. À part pour souiller son torchon, personne ne le toucherait avec un bâton. Mais j'passe outre. Je suis largement au dessus de ça. Par contre, quand j'parle de la qualité du tissu de ton pote, il commence à monter sur ses grands chevaux. J'le regarde, l'air blasé et lassé, j'attends qu'il ait fini son discours, j'prends une inspiration, et j'lui dis : « Il n'y a que la vérité qui blesse. Tu es qui pour me dire de ne pas parler des gens comme ça ? Moi, ça fait bien longtemps que je parle de qui je veux comme je veux. Et ça va continuer. Et rien que pour ce que tu viens de dire, j'vais parler de ton pote comme ça pendant toute l'aventure, je pense. ». En s'énervant comme ça, il a mis son talon d'Achille en avant. J'vais en jouer, ma foi. Moi, j'suis comme ça, si tu me donnes un ordre, surtout méchamment, j'vais faire l'inverse de ce que tu me demandes, et tu vas rien faire. Il se lève. J'le regarde se lever et faire son petit sketch. Tout le monde veut me voir dégager et tout. « Je suis insupportable et j'assume. J'assume. ». J'assume, tout simplement. Je sais comment je suis, j'ai pas attendu de rencontrer monsieur cheveux rouges pour le savoir. Il dit alors que je suis le plus pathétique, que ça fait une semaine que le gueule comme un putois et que personne n'en a rien à foutre. « Honnêtement, qu'on en ait quelque chose à foutre ou non, ça me passe totalement au dessus. Si j'ai envie de dire un truc, j'vais pas me gêner pour le dire. Après, ça plaît, ça plaît pas, c'est pas mon problème. Là, visiblement, ce que je te dis ne te plaît pas, et regarde : je m'en fous complètement. ». Bon, je mens un peu... quand il a dit que j'avais la haine que le monde ne tourne pas autour de moi, je l'ai quand même eu mauvaise... et je l'ai toujours mauvaise. Mon regard est rempli de haine, mais j'essaye de dissimuler ça. J'veux pas qu'il sente qu'il m'a atteint. Tu es au dessus de lui Esteban, n'oublie pas : tu es le rayon de soleil, et lui, c'est la merde. J'essaye de me répéter cette phrase en boucle dans ma tête... il me dit alors de bien profiter du SAS de ce soir, en espérant que ça m'apporte un peu d'humilité... et il se passe. « Pauvre con va. ».

Direction la salle de bain pour me préparer.