Jour 40

J'entre dans la cuisine tout en sachant que je dois préparer un repas à Léonie car elle a remporté le pari. J'ai aussi entendu dire que son frère était dans la maison... pas de problème ! On va faire deux petits déj : un pour elle, un pour lui... car jusqu'à preuve du contraire, le petit déj est un repas, non ? Bref... je mets deux plateaux sur la table, un verre de jus d'orange sur chacun, une assiette de pain au chocolat sur chacun, puis direction la chambre 2 avec ces plateaux.

J'arrive dans la cuisine et demande la voix de mettre de la musique pendant que je cuisine. Il y a No Mediocre qui passe... Du coup, je me laisse emporter par le rythme de la musique en sifflotant légèrement. Aujourd'hui avait lieu les nominations garçons et j'avais pas envie de faire une fixette sur ça. J'ai donc décidé de profiter de ma journée.

Je rentre dans la cuisine ou défile une légère musique (un peu trash comme paroles, mais légère quand même parce que c'est pas fort voilà). Et je vois Kovu entrain de siffloter tout en se déhanchant légèrement. Il me fait rire. Il est tellement hors du temps, toujours d'humeur égale, souriant. Toujours lui, quoi. J'ouvre le frigo et le regarde, léger sourire sur le coin des lèvres. Je sors une bouteille de jus de pomme que je dépose sur la table et m'en sers un verre. "Qu'est-ce qui nous vaut un petit déhanché comme ça ce matin ?" Je lui demande en réprimant un léger rire.

Matthew arrive encore à se demander pourquoi je bouge mon popotin de grand matin. Hakuna Matata Mat ! Il lui fait un léger un clin d'oeil, tout sourire. Une fois son oeuf à la coque prêt, il se sert un jus de lychee et rejoint le beau brun à table. Tu devrais essayer, ça te change radicalement la vie ! Steven nous rejoint et je lève le pouce en l'air. Iggy Azalea, la base de la base !

"Quelle phrase magnifique ! Je dis en riant. Demain je me réveille en dansant, s'est noté !" Je lui souris et le laisse s'installer en face de moi. Je le regarde quelques instants. Je repense à hier soir. A mon soudain besoin d'excuse, de câlin, de lui. Mais soit. Il ne semble pas plus gêné que ça. Donc je n'en reparle pas. Ca ne servirait à rien ... Je crois ... Steven nous rejoint ensuite et il s'élance d'entrée sur une petite danse. Wowhwowowowowhhh calmo ! On sort tout juste de nos nuits respectives et ils sont déjà chauds les deux là. J'ai besoin de me réveiller calmement ! Je bois mon verre et lui souris. "J'ai retrouvé mon lit dans la chambre 2, puisque la love room était occupée. Mais j'ai bien dormi ouais ! Je dis en lui lançant un clin d'oeil. Et toi ? Je me tourne vers Kovu en souriant. Puis j'ajoute en regardant Steven. Toi je te retourne pas la question, ça paraît évident !" Je le vois en même temps préparer un bac entier d'eau citronnée. Il pense vraiment qu'elle va le pardonner ? Je ris jaune. "T'acharne pas, l'eau citronnée s'est son domaine. Au mieux elle le renversera dans ton lit ... Tu lui as déclaré la guerre en prenant sa love room" Je dis en riant.

Je pense que Matthew gagnerait beaucoup à moins réfléchir et à laisser son coeur parler. Tu verras, tu comprendras ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas. Et moi je le suis Matthew. Steven me demande quelle est la musique que je préfère de Iggy Azalea. Je hausse les épaules, avant de répondre de manière banale. Work, c'est la première que j'ai écouté ! Donc par acquis de conscience... J'apprends qu'il a volé la love room à Romane et par extension à moi. Je le dévisage un petit peu... Ne crois pas que cette eau citronée changera quoi que ce soit ! T'as volé ce qui a de plus cher ici pour elle ! Tu vas le payer au centuple ! Je préfère prévenir hein.

Ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas ... Je relève la tête, étonné, vers Kovu. Qu'est-ce qui est vraiment essentiel ? Je le regarde, lui et ces yeux noirs, pendant plusieurs secondes. Et me contente de hocher la tête comme pour dire que j'appliquerai au mieux ces conseils. Puis je me reconcentre sur Steven. Et Nauraa, puisqu'elle vient d'arriver. Ou tout du moins j'essaye de me concentrer sur eux.
Se faire pardonner ? Est-ce que c'est essentiel ? Non, ça ne l'est pas. On peut vivre sans. Mais encore faut-il en être capable. Si on se sent trop faible, alors, on peut dire que se faire pardonner, oui, c'est essentiel. Mais le problème dans les pardons, c'est qu'il faut qu'en plus d'être dit, ils soient acceptés, et c'est là la tache la plus compliquée. Je me contente de regarder les tourtereaux se demander si ils passeront au travers de la haine de Romane. Et je n'y crois que peu. Mais soit. Mon attention ne peut qu'être focalisé sur Kovu.

Est-ce essentiel ?

Je reste silencieux, car après tout, parler, est-ce que ça en vaut la peine ? Est-ce que, c'est essentiel ?

Steven semble appréhender la réaction de Romane, ce qui est assez marrant, surtout vu qu'il semble aimer paraître pour quelqu'un d'invincible, de surpuissant. Savoir que la réaction d'une petite blonde toute frêle en apparence peut lui inspirer autant de craintes, ouais, c'est assez drôle. Je sens le regard insistant de Matthew sur moi. Il m'avait manqué ce regard, c'est une certitude. J'ai tout un moment eu l'impression de ne plus vivre dans ses yeux, que ce soit amicalement ou même plus. Je souris donc légèrement et me concentre sur mon assiette, sans un mot. Puisque c'est pas essentiel, hein ?

Je fixe Kovu avec insistance lorsqu'un léger sourire apparait à la commissure de ces lèvres. Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, toujours silencieux. Je me mords doucement la lèvre inférieure, sans rien dire. Pulsions. Le beau black se focalise sur son assiette, baisse le regard. Tension. Je continue de le fixer quelques instants. C'est essentiel. Un silence s'installe sur la pièce. Mais pas un silence lourd et pensant. Un silence plein de significations. Qui veut dire beaucoup. Un silence que je brise en disant doucement, tout en souriant tendrement : "J'espère que c'est bon, au moins ?" C'est vrai. Il regarde plus son oeuf que moi. Alors j'espère qu'il a les atouts pour détourner l'attention du beau black.

Un silence s'installe instinctivement. Je n'ai pas grand chose à rajouter, mon comportement parle de lui même. Il vient néanmoins le briser, dans une petite phrase très subtile, dans le style de Matthew. Tu veux y goûter ? Au fond, ça lui permettra de faire son propre avis non ? Et il se rapprochera un peu plus de moi... Je pourrais voir un peu plus ce que reflète ses yeux, sentir plus distinctement son parfum...

Si je veux goûter ? Evidemment. J'hoche positivement la tête et me relève pour récupérer une fourchette derrière moi. Je contourne ensuite la table et vient m'asseoir à côté de lui. Je ne me colle pas, mais je suis suffisamment proche. Bien plus proche qu'il y a une minute, en tous cas. Je prends une petite part de son oeuf et goûte. Bon, soyons honnête, c'est juste de l'oeuf, rien d'exceptionnel. Mais c'est bon. En même temps que je mâche je regarde le beau Kovu. Ca m'aura permis de venir plus prêt de lui, cette petite dégustation. "Il mérite pas toute l'attention que tu lui portes, je dis avec un petit sourire, mais il est cuit comme il faut." Comprenez : Regarde moi, moi, au lieu de lui.

Il accepte mon invitation et se rapproche de là où je me trouve. Il goûte aussi l'oeuf et je veux bien croire que par rapport aux ténèbres de mes yeux, il peut lui paraître bien fade. Je sais pas. Je suis du genre à penser que chaque petit détail mérite qu'on lui donne de l'attention. Chaque chose possède une parcelle de beauté quand on décide de creuser un petit peu. Je reprends mon oeuf et le termine tout seul, avant de pousser l'assiette du bout du doigt. Tu peux être vraiment con parfois, Matthew. Je le lâche comme ça. J'ai dis que je lui en voudrais pas, mais c'est pas pour ça que je n'ai pas le droit de me venger. Je quitte ensuite la cuisine sur ce sentiment de trop peu. Autant pour lui que pour moi sans doute.

Rapproche toi, rapproche moi, rapproche nous ... Puis fuis moi, laisse moi entrevoir quelque chose que tu détruis aussi tôt. Frustre moi. Joue avec moi comme j'ai envie de jouer avec toi. Je peux être con, je le sais, je ne le cache pas, je ne le suis que trop souvent. Je le laisse se lever. Sans me regarder. Et je me mordille la lèvre inférieure. Je suis frustré, mais agréablement frustré, aussi bizarre que cela puisse paraître. Il a fuit, parce qu'il a faillit craquer. Et je ne peux que me dire que c'est une bonne chose. Je laisse sa présence s'évader, puis son parfum. J'attends quelques secondes, mets son assiette dans le lave vaisselle, puis quitte la cuisine à mon tour. Satisfait. Et frustré. Malgré le fait qu'il ne soit plus la physiquement, il vient de me marquer comme au fer rouge. Cette conversation, ce sourire, tout ce qu'il vient de se passer sera gravé en moi comme un nouveau tournant entre lui et moi. Et la seule chose que je peux me demander c'est : se lamenter sur le passé, est-ce vraiment essentiel ?

De mauvaise humeur après cette nuit, Romane arrive et voit l'eau citronnée qu'on lui a préparé. Au début souriante face à cette petite attention, son sourire se perd vite quand elle boit une gorgée de la citronnade. C'EST DEGUEULASSE ! Même pas capable de faire une bonne eau citronnée comme elle aime. Encore plus de mauvaise humeur, elle jette tout dans l'évier, balance la bouteille en plastique avec rage et se casse.