Jour 44

M'installant au salon extérieur pour profiter du soleil du matin, je commence à boire mon jus de pommes. Je dégage les cheveux de mon visage pour absorber le plus de vitamines D possible.

On ne peut pas parler mais ce matin, j'ai envie de rp, donc je me ramène ici. Je vois que Léna est présente, donc je la regarde, comme pour lui dire bonjour, et je m'installe dans un coin. On est obligés de se voir sans se parler, et ça me rappelle un peu la mission qu'on avait durant les trois premières semaines de jeu... il ne reste plus qu'aujourd'hui à tenir Corentin, courage !

Entre deux gorgées de jus de pommes, c'est finalement Corentin qui me rejoint au salon extérieur. Il me sourit, et je ne tarde pas à lui rendre la pareille. Il s'assoit à côté de moi et je dépose délicatement ma tête sur son épaule. Je prends sa main entre les miennes comme pour le rassurer. Je sais que en temps normal j'aurais été la première à pâtir de ce silence imposé, mais cette fois, je sais que je suis plus forte que ça, et que nous pouvons tenir le coup. Je viens ensuite déposer un doux baiser dans son cou, et arque un sourcil dans sa direction en penchant légèrement la tête comme pour lui dire tu es sûr que ça va ?

Léna pose sa tête sur mon épaule, comme si elle se sentait protégée, rassurée, apaisée avec moi. Et c'est exactement la même de mon côté. On n'a pas besoin de se parler pour sentir la petite complicité, au final, et c'est ça qui est beau dans notre relation. Je pensais que ce serait plus dur que ça, mais au final, on tient le coup, tous les deux... et elle a l'air totalement renforcée depuis l'histoire avec Hadès. J'ai hâte de lui dire à quel point je suis fier d'elle et de ses progrès. Elle m'embrasse alors sur le cou et je comprends vite l'expression de son visage. Je réponds automatiquement avec un sourire, pour lui montrer que tout roule, puis on profite du moment. Peut-être qu'on pourrait se prendre dans les bras pour se montrer qu'on s'aime, se remémorer - en montrant des parties de nos corps, des vêtements, et tout - des souvenirs. En bref, il y a énormément de manières de se comprendre sans parler.

Corentin m'affirme qu'il va bien à l'aide d'un simple sourire accompagné d'un hochement positif de la tête, et je suis satisfaite de cette réponse. Ma tête revient se lover contre son cou, et je commence à lui caresser doucement le bras. Je suis si heureuse de voir que même malgré les contraintes que la production tente de nous imposer, nous arrivons à rester ceux que nous sommes. Après quelques minutes de silence, où l'énergie de Corentin est venue me galvaniser et me donner plus de force que j'en avais auparavant, je récupère le petit pendentif autour de mon cou et l'ouvre devant mon frère. A l'intérieur, il y a une photo de lui, mes parents et moi. Nous n'avions pas plus de cinq ans à l'époque de cette photo, et aujourd'hui plus encore que les autres jours, je me rends compte à quel point  ma famille est précieuse à mes yeux. A quel point sans Corentin je n'aurais jamais pu aller aussi loin dans mes projets et mes désirs. Je détache alors le petit collier et le lui tends, en guise de cadeau. Si nous ne pouvons pas discuter aujourd'hui, je serai au moins avec mon frère de par ce geste. J'esquisse un sourire, en même temps qu'au fond de moi, bercée dans le silence, je prie pour lui.

Oooooh, elle me fait des papouilles, c'est trop mignon. Elle sait comment m'apaiser, tout comme je sais comment l'apaiser. En fait, elle est le yang de mon ying, à nous deux, on forme une version complète, et c'est ça que j'aime dans notre complicité. Pendant ce temps, je lui caresse les cheveux, délicatement et doucement. D'un coup d'un seul, elle retire le collier qu'elle possède autour du cou et l'ouvre. Je sais ce qu'il y a à l'intérieur. Je sais pourquoi ce collier lui est si cher. C'est un symbole matériel d'un grand souvenir qui en dit long sur nos états d'esprit - à elle et moi. C'est une photo de nous deux, avec nos parents, lorsqu'on est partis faire notre pélerinage à Lourdes. On n'était que des enfants, et nos parents avaient déjà à coeur de nous faire découvrir les chemins de la religion. Même si sur ce point, elle et moi avons pris deux routes différentes, je garde tout de même - au fond de moi - une certaine foi. Oui, je crois au miracle, mais je ne crois plus en Dieu. Naître dans cette famille m'a permis d'apprendre énormément de choses, notamment la tolérance. Il faut toujours aimer son prochain, peu importe comme il est. Cependant, revoir mes parents me donne un léger coup de cafard. Non pas pour le manque, car je suis avec Léna et que j'arrive à gérer ce sentiment... mais j'appréhende l'après Secret Story après l'annonce que j'ai fait au premier prime. Comment l'ont-ils pris ? C'est une question à laquelle j'attends la réponse avec impatience. Elle me donne alors ce collier en guise de cadeau, et mon premier réflexe est de lui faire un accolade, comme pour la remercier de ce si beau geste. Il n'y a pas besoin de paroles pour vivre quelque chose de fort. Elle finit alors par prier pour moi... et je l'observe avec énormément d'admiration.

Face au collier que je lui tends, son visage passe d'abord de la mélancolie à l'inquiétude, et même si le changement n'est que minime, je perçois le léger tressaillement de sa mâchoire et la peur dans son regard. Nous en avons déjà parlé, lui et moi, ici il s'est assumé comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Il a découvert des nouvelles facettes de sa personnalité et a appris à se connaître lui même, mais je sais qu'il a peur de mes parents, ou plutôt, de leur réaction. Mais s'ils avaient vraiment eu une mauvaise réaction, nul doute que la production les aurait contacté pour les emmener en prime-time un vendredi soir. Alors je ne me fais pas d'inquiétude, et pour le rassurer, je plonge mon regard dans le sien et saisis son menton avec ma main, je me contente de le fixer et ferme lentement les yeux en hochant la tête vers le sol comme pour lui assurer qu'il ne doit pas s'inquiéter. Je garde cette position plusieurs secondes, cette fois en priant pour de vrai, ma bouche murmure quelques paroles inaudibles, que je cloture d'un simple « Amen » presque silencieux. Finalement, un sourire timide vient se peindre sur mon visage et je prends mon frère dans mes bras. Je sers l'étreinte si fort qu'il pourrait presque s'étouffer contre ma poitrine. Puis lorsque je le relâche, je me laisse fondre jusque dans le creux de son épaule de nouveau, et je ne bouge plus, profitant du silence et de la matinée, enlaçant mes doigts avec les siens. Je suis heureuse. Mon frère est avec moi. Comment les choses pourraient aller mal ?

Léna savait déjà pour mon homosexualité, tout comme elle était au courant de mon projet de coming-out. Et elle sait que ce qui me stresse le plus, c'est de ne pas avoir pu voir leur réaction en direct. J'appréhende le retour à la maison, et en même temps, j'ai hâte de les serrer dans les bras, j'ai hâte qu'ils connaissent le vrai Corentin. En fait, je n'ai pas envie d'y être, mais en même temps, j'ai hâte. Est-ce qu'on va se serrer dans les bras ? Est-ce qu'ils vont totalement me renier ? Léna parvient à me rassurer en prenant mon visage et en me regardant droit dans les yeux. Elle a l'air plutôt rassurée... ou alors elle essaye de l'être pour ne pas nous faire déprimer, tous les deux, dans ce moment de flash back. Je n'en sais rien. Elle fait alors une prière, rien que pour moi. C'est une bonne pratiquante, et rien que pour ça, elle mérite tout le respect ainsi que tout l'amour du monde. C'est une douceur, ma choupette. Elle finit alors par me prendre dans ses bras... puis elle finit par poser sa tête sur mon épaule et par me tenir la main. Au final, les moments de simplicité comme celui que l'on vient de vivre sont les plus beaux. Il n'y a pas besoin de se parler pour se comprendre, et on en a eu la preuve ce matin. Ensemble, on observe le ciel bleu qui s'offre devant nous. Les oiseaux chantent, le soleil brille. Au final, on vit dans un rêve. Et le plus beau, c'est qu'on vit ce moment ensemble, on le partage. On est dans notre bulle, et personne ne peut nous y sortir. On profite encore un peu du beau temps, et je finis par me lever et l'embrasser sur le front afin de la saluer. Je quitte ensuite le salon extérieur.