Jour 59

You should not drink that much, Hayd', you know that. You know that. C'est ce que je me disais tous les lendemains de cuite, tous les lendemains de soirée, à chaque fois que je me réveillais le visage endoloris et la bouche sèche. Mais malheureusement, à chaque fois je recommençais, galvanisé par les rires et les hallucinations provoquées par l'alcool. Et hier soir, on avait bien rigolé, Allan et moi, une discussion mémorable qui faisait parti des plus intéressantes que j'avais ici, je crois. Ou du moins, une de celle qui est le plus parti en vrilles sur la fin. Toujours est-il que j'ai la tête éclatée contre la table, un épais bourdonnement qui résonne dans mon crâne et les bras complètement endoloris. Je me redresse doucement, enfonce ma tête dans mes mains, puis après avoir repris légèrement conscience de mon corps et mes capacités, je me sers un doliprane pour faire passer le mal de tête. Bordel, la journée s'annonce longue. Et je me dis qu'Allan sera probablement dans le même état que moi, puisqu'il dort encore à mes côtés, allongé lui aussi sur la table telle une épave.

J'arrive à la cuisine, endroit où je n'avais pas mis les pieds depuis le soir du prime, avec le ventre criant famine. Je vois alors deux déchets qui me servent de camarades finalistes à moitié drogué et complètement alcoolisé, presque morts, sur la table.
Je ne fais pas attention et je claque malencontreusement la porte du frigo lorsque je sors une bouteille de jus de framboise. Oups. C'est malencontreusement aussi que je tire une tabouret contre le sol pour m'assoir dessus et malencontreusement toujours que je pose sans délicatesse ma bouteille en verre sur la table. Namaste.

Pshhht, c'est le bruit que fait le doliprane dans le verre tandis que Shiva rentre dans la cuisine et qu'une multitude de sons résonnent dans mon crâne, d'abord la porte du frigo, puis le tabouret et enfin, dans un geste totalement volontaire, le bruit de la bouteille qui retombe lourdement sur la table. Il nous salue enfin. « You stupid bitch » je grogne dans ma barbe tandis que le cachet a fini son effervescence et que je le bois d'un trait sec. « Was it good? Controlling quite everything for three weeks? » je lui demande en anglais, tandis que mon cerveau ne peut pas résonner en français tout de suite. Hier, on a appris qu'ils contrôlaient tout, Sloane Achille et lui, et qu'ils s'étaient bien joués de nous.

Stupide ? Ce n'est pas un mot qui s'emploie quand on parle de moi assurément. J'imagine qu'il parle à Allan ou qu'il se parle à lui-même après avoir fait un rêve douteux. Je me serre un verre de jus et bois tranquillement. Ça a le don de me rafraîchir après ma journée intensément chaude d'hier. Il me parle ensuite en anglais, je crois comprendre qu'il parle de mon secret et qu'il n'a pas l'air d'avoir digérer la pilule. Deux semaines. La troisième semaine il ne restait plus que Sloane. On va dire qu'on s'est plutôt bien débrouillé, et heureusement qu'on était là. Le jeu n'aurait pas été ce qu'il a été sinon. Il faut le dire, on a pas manqué d'ingéniosité et on a proposé des dilemmes et des missions pour chambouler un peu le train train qui a endormi tout le monde pendant plus de deux semaines. Sans ça tout le monde se serait endormi bien plus tôt et on se serait vraiment fait chier.

Je ris à la réflexion de Shiva, et rétorque « Heureusement que tu es toujours là, hein ? Sans toi la vie perdrait de son sens, c'est évident. Je me masse les tempes et reprends : mais en fait, à part nous avoir plongé dans le noir et donné des missions qui servaient ton intérêt, tu as fait quoi ? Parce que clairement, l'absence de lumière, c'est ce qui nous a tué, All of us ». Je le pense sincèrement, je ne crois pas que son rôle au dynamisé le jeu au contraire. Les habitants se sont réveillés en même temps que la lumière est revenue, c'est à dire quand les "pupilles" ont disparu.

On a pas pris la décision de couper le courant. Ça vient de la production ça. Faut pas non plus nous mettre le malheur du monde sur le dos et encore moins profiter de la jalousie qui les hantent tous pour nous faire passer pour les "méchants". Des missions qui servaient mon intérêt. Je ris de voir à quel point il préfère rager qu'on ne lui ait pas proposé ce secret, plutôt que de voir à quel point nos interventions ont eu des impacts sur tout le déroulement du jeu. On a été dans le Sas de notre propre chef et on a proposé des dilemmes, des vrais. Et mon jeu ne se résume pas qu'à mon secret. Il y a bien plus. Et lui il peut dire quoi ? Qu'il a protégé son secret du mieux qu'il a pu ? Non. Qu'il a trouvé des secrets ? Non plus. Qu'il a joué ? Je ne pense pas.

La décision vient donc de la production : « Evidemment, je me doute que tu n'as pris que les bonnes décisions dans cette aventure, comment tu pourrais faire un choix qui est mauvais, au final ? Ca ne te correspond pas ». Je bois un nouveau verre d'eau, pour essayer de rompre le mal de crâne. Finalement il essaye de se prouver à lui même que c'est le meilleur joueur, qu'il a pris des risques, qu'il est beau et grand. Et enfin quand il me lance un ultime pique en disant que son aventure ne se résume pas qu'à son secret je dis : « Peut-être que ton aventure ne se résume pas qu'à ton secret, mais ma vie ne se résume pas qu'à mon aventure ». J'enfonce ma tête dans mes mains et souffle longuement. « Pour toi, se mettre face à Emmanuel, c'est se mettre en danger, donc ? Quel goût prononcé pour le risque tu as ». Visiblement, Shiva un lendemain de cuite, c'est pire qu'une pilule du lendemain après une capote percée.

Il essaye de se donner en spectacle je crois, faisant passer sa rage sur moi, dernier représentant des pupilles encore en course. Pourquoi donc ? Assurément pour s'attirer un nouveau public pour la Finale. Avec ses piques et ses réponses pleines de sarcasmes à mon égard. Vas-y Hayden si tu veux faire le coq fais le. Ton point de vue m'est appréciable mais tout le monde peut faire de mauvais choix, n'est-ce pas ? Moi aussi je peux jouer face à la caméra et faire passer des messages. Il va sans aucun doute me répondre  que son plus mauvais choix a été de se rapprocher de moi. Ou quelque chose du genre.
Mais ça c'est avant qu'il ne me sorte une phrase des plus ridicules. J'hausse les sourcils. Qui a dit que ma vie se résumait à ce jeu ? De un ça n'a pas de sens, et de deux aucun rapport. En plus de ça il ne connaît rien ni à ma vie, ni à mes objectifs. Il essaye d'avoir le dernier mot c'est sympa comme jeu mais dans une cours de récréation. Je disais simplement de ne pas résumer mon aventure à mon secret commun, jugé par beaucoup comme une sorte de privilège donné par la prod pour me faire gagner. J'ai joué et sur plusieurs tableaux : dans la protection de mon secret, dans les missions, dans mes relations, et surtout dans la recherche des secrets. Je ne fais qu'un état des lieux des choses et j'estime que je mériterais amplement la victoire.
En passant qu'il ne se surestime pas trop, il a passé plus d'un tiers du jeu couché dans la love room, à dormir dans les bras d'un ours allemand dont le secret était d'aimer le vert. Il poursuit en me disant que me mettre dans le Sas face à Emmanuel c'était ce qu'on appelait "avoir le goût du risque". Je ris. Lui qui n'a fait qu'un seul sas jamais il n'a osé se mettre en danger dans le jeu, jamais. Et il veut me faire la morale. Lui, comme tout les précédents. Et ils sont où ceux là ? Ah ... éliminés, j'oubliais. C'est vrai que dormir pendant deux voir même trois semaines, c'est de bon goût dans ce genre de jeu. Non vraiment je devrais le féliciter, son absence m'a tellement éblouie qu'il mériterait même que je vote pour lui si j'étais dehors.

Il apprécie mon point de vue, c'est déjà ça. Il l'apprécie sûrement plus que j'apprécie actuellement sa compagnie. « Tout le monde fait des choix, pour ce qui est de juger s'ils sont bons ou mauvais ça dépend de chacun. Personnellement, je ne regrette rien de ce que j'ai fait, j'estime avoir été honnête et droit dans mes relations. Je n'ai pas fait de mauvais choix, simplement des actes, et crois moi, ils ne m'empêchent pas de dormir la nuit ». La notion du bon et du mauvais, c'est palpable, mais venant d'un "artiste" comme Shiva, il me semblait plutôt improbable qu'il y accorde tant d'importance. Mais soit, tant pis pour lui, ça montre simplement que l'image qu'il se donne n'est qu'un château de cartes prêt à s'ébranler. Il me demande ensuite qui a dit que sa vie ne se résumait qu'à ce jeu. « Moi, et c'est amplement suffisant. Tu es convaincu d'être irremplaçable, mais ta compagnie est au mieux agréable, pas indispensable. Tu te prends pour je ne sais quel dieu descendu de je ne sais ou, mais qu'as-tu fait pour te donner tant de mérites, d'où viens tu ? Est-ce que tu n'as ne serait-ce que vécu ? Je le regarde avec insistance et ajoute : ne te permets pas de juger mon aventure et surtout pas mon secret quand tu es venu ici pour te prouver que tu as une utilité dans ce monde ». Enfin, il me pique en disant que j'ai dormi beaucoup trop durant mon aventure. Et que c'était une erreur fatale. « Comme quoi, dormir est plus intéressant que ce que toi et les pupilles avaient fait pendant deux semaines, puisque je suis encore là, et qu'il ne reste que toi », c'est beau d'essayer de me rabaisser Shiva, mais ce n'est pas en me piquant que tu auras le dernier mot, oh ça non. « Je t'aime bien, viens pas tout casser avec ton égo et ton orgueil et laisse moi décuver tranquillement, j'ai pas envie d'entendre tes conneries ou tu t'auto convainc que tu es le meilleur ici ».

Il ne regrette rien de ce qu'il a fait, et dit assumer tout. C'est bien. Mais qu'en est-il de ce qu'il n'a pas fait ? Il se met à faire de longues phrases essayant de se justifier de quelque chose. Sauf qu'il n'a rien à me prouver, j'ai mon point de vue sur lui et je suis sûr qu'il ne changera pas. Les anglais sont pire que les français, je m'en suis rendu compte dans cette aventure. Et j'en ai pris bonne note. Du moins, à voir si les gens de son pays sont à son image.
Il dit que sa parole est amplement suffisante. À côté de ça on me reproche de me "sentir" supérieur aux autres. Je ris intérieurement face à l'humour de la situation. Parce que une fois encore ce qu'il me dit là c'est complètement incohérent et ça manque de sens. Comme il manque d'intelligence. Ma vie se résume à ce jeu d'après toi. Mais ça n'a aucun sens. Tu me reproches de "me sentir supérieur" aux autres. En quoi est-ce que ça à un rapport avec le fait que ma vie se résume à ce jeu ? Non vraiment, il se trouve des arguments ou des contre-arguments qui n'ont à mes yeux aucune valeur et aux yeux du public non plus j'imagine bien. Si t'as quelque chose à me reprocher fais le correctement. Je m'attendais à mieux venant de lui mais au final seul l'appât du gain l'attire et il essaye par tout les moyens de renverser la situation en sa faveur. C'est bien d'essayer de jouer, mais à cinq jours de la finale n'est-ce pas se moquer du public ?
Tu m'expliqueras où j'ai jugé ton secret, que je comprenne. Parce que je n'ai rien dit de tel. En revanche son jeu est plus douteux qu'autre chose et ça je le maintiendrai jusqu'au bout. Mais de là à faire sa Jeanne D'Arc en pensant que le Dieu que je suis à parlé de son secret en le comparant au mien, non. Du vécu j'en ai, encore une fois tu me reproches de juger les gens mais c'est toi qui le fait, moi je n'ai jamais rien dit sur toi et sur qui tu as été, ou même sur ce que tu as pu vivre. Je vis sans mes parents depuis plusieurs années qui n'ont jamais essayé de me retrouver, qu'il ne vienne pas sur le terrain là avec moi parce que attendrir le public avec une histoire triste je peux le faire aussi.
Il est persuadé qu'avoir passé son temps à dormir était plus intéressant que moi et les autres pupilles puisqu'aujourd'hui deux d'entre nous ont été éliminés et que je suis le seul représentant de notre secret en finale. Qu'il pense ce qu'il veut. Dormir ne t'a apparemment pas aidé à trouver quelconque secret qu'il soit. Et ne me répond pas que j'ai été avantagé puisque tout le monde a eu les indices sur l'écran du salon. Il me demande de ne pas surenchérir avec mon égo. Je ris aux éclats. Mec, arrête. Tu viens me parler de mon secret dans l'unique but de me piquer avec tes sarcasmes. Ne rejette rien sur moi que je n'ai pas fait. Si tu voulais décuver tranquillement rien t'obligeais à me parler de ça. Moi en tout cas je n'ai pas lancé la discussion là-dessus.

WOOOOOW. Je me réveille brusquement, sur la table de la cuisine. J'ai un mal de crâne énorme, et j'ai vraiment très soif. Oh non. J'ai trop picoler encore une fois, et me voilà avec une grande gueule de bois. Pourtant, je me suis promis de ne plus refaire le coup. Heureusement, j'ai l'impression que je n'ai rien fait de trop grave hier soir. Je lève ma tête, et vois Shiva et Hayden réveillés. Je décide de ne pas interféter dans leur petite discussion. De toute façon je n'ai même pas assez de salive pour leur dire bonjour. Je roule sur la table pour tomber au sol, non sans faire tomber quelques objets. Je commence à ramper, avant de me lever et de me diriger vers la salle de bain.

« Laisse moi te dire une chose, Joachim, c'est que ton petit numéro de supériorité face aux autres, ça montre que t'es profondément mal dans ta peau. Ton besoin de rabaisser constamment, de toujours te sentir au dessus de tout et tout le monde, ça prouve que tu cherches à te prouver des trucs et que ton aventure ici, c'est tout ce que t'as, je dis alors en toute franchise, après qu'il m'ai reproché de ne pas avoir de vrais arguments. Mais à ce que je vois, l'humilité, t'as beau essayé, c'est pas ton truc. Faut toujours que ton narcissisme pervertisse tout. Mais heureusement que tu étais là dans l'aventure, heureusement, sinon ou en serions nous aujourd'hui ? Tu nous a été si indispensable ... ». Enfin, il démonte l'argument sur lequel il n'a jamais rien dit sur moi et qu'il n'a pas critiqué mon secret, ce à quoi je réponds : « Rien à part me reprocher d'avoir trop dormi et de ne pas avoir assez joué, ce qui n'est qu'une question de point de vue, car tout est relatif. Je n'ai pas joué autant que toi, je ne peux que l'admettre, mais j'ai joué autant que j'ai pu avec les cartes qu'on me donnait en main. Je ne dis pas que tu as été avantagé, simplement que tu as eu plus d'occasions que moi pour tourner la situation à ton avantage, et tu ne peux pas le nier ». Finalement, il se sent utile de tacler le fait que je n'ai trouvé aucun secret. C'est rigolo, ça, tient. « Il faut dire que je ne pouvais pas faire sonner le téléphone rouge quand j'en avais envie pour gagner des indices dès que je l'avais décidé. Mais là n'est pas le problème, c'était ton secret, bien joué pour ça ». Enfin, il se retire de tous les tords en disant que si la conversation en est arrivée là, c'est par ma faute, car il n'a rien lancé du tout, je souris brièvement, puis décide par répondre sans me démonter pour autant : « Je t'ai demandé comment tu avais vécu tes semaines de contrôle, tu as dû montrer ton égo en disant que sans toi, le jeu aurait été ennuyeux, je te fais simplement redescendre sur terre en te montrant une réalité que tu n'assumes pas ». J'espère qu'il en a fini, parce que j'en ai clairement assez, heureusement que le cachet à fait effet, sinon j'aurais réellement implosé dans cette cuisine.

Okay. I'm done. « Bon. Je vais voir les anciens. A plus tard » je dis en me levant avant de quitter la cuisine.

Shiva a écrit:

Je pars, je vais pas répondre alors qu'il est parti héhé ...

Hayden a écrit:

Shiva a écrit:

Je pars, je vais pas répondre alors qu'il est parti héhé ...

dis juste que t'as plus d'argument héhé (:

J'arrivais dans la cuisine et je préparais des caïpirinha pour tout le monde. Je mettais le tout sur un plateau et je quittais la cuisine.