Jour 5

J'entrouvre un oeil, réalise qu'il est encore trop tôt pour se réveiller, mais alors que je tente de me rendormir, une saloperie de mouche vient m'emmerder. Elle tourne autour de moi comme les planètes autour du soleil, et mes gestes de main vifs - ou du moins, aussi vif que quelqu'un qui vient de se réveiller et capable de faire - n'y changent rien. Je lutte pendant une dizaine de minutes puis me lève finalement, vaincu par ce vulgaire insecte. Je m'envole vers la salle de bain avec ce léger bourdonnement qui perdure dans mes oreilles.

Mon ventre m'a réveillé, j'ai faim. Go direction la douche.

Je me réveille avec une petite erection matinale.

J'entre dans la chambre pour me mettre au calme et surtout me réchauffer. Si la journée a été chaude, la nuit quand à elle est fraiche, et a avoir passé ma soirée dehors, j'ai pris froid. Je m'installe donc sur mon lit, m'enveloppe dans ma couverture et entame le paquet de Dragibus que j'ai récupéré en faisant un crochet dans la cuisine avant de venir me poser ici.

Alors que je mange mes Dragibus tout en étant enveloppé dans ma couette comme dans un cocon, Ajeya me rejoint et me demande dans un petit air de défi soupçonné d'un sourire plutôt charmeur si je suis déjà fatigué. Je soulève la couette de par dessus ma tête et la regarde dans l'embrasure de la porte, j'esquisse un léger sourire. « Un anglais qui a froid alors qu'il fait une bonne vingtaine de degrés, c'est ironique pas vrai ? » Je lui réponds en me décalant légèrement dans le coin droit du lit pour l'inviter à me rejoindre. Je lui fais de la place et ajuste la couette correctement pour qu'elle puisse s'y asseoir. « Et toi alors ? Pourquoi ce crochet par la chambre ? », je lui demande tandis qu'elle me rejoint.

Elle critique mon régime diététique, ou je rêve ? « J'ai rien contre Jennifer Lopez tu sais, je rétorque en mangeant un nouveau bonbon tandis qu'elle vient s'asseoir à côté de moi. Je dirais même que si les Dragibus sont la recette miracle pour avoir ses fesses, beaucoup de femmes vont en acheter des caisses ». J'esquisse un léger rire à ma propre blague, l'humour anglais, que voulez-vous. Elle me taquine ensuite en disant que son bikini m'aurait littéralement réchauffé, c'est qu'elle me cherche ce soir, la Ajeya. Je la regarde de haut en bas avant de répondre « Il aurait suffit que je sois avec toi tout court, pour ne plus avoir froid ». Je rentre dans son jeu, petit à petit, j'aime cette petite conversation qui vire lentement à quelque chose de sensuel. Elle me parle ensuite de Louboutin « Les chaussures qui sont officiellement devenues une arme de crime depuis quelques jours », j'ironise en échos à ce que Pénélope-Tara avait fait contre Rachel. Enfin, elle me demande quel hashtag je lancerai si j'étais un spectateur qui la voyait s'immiscer dans mon lit au bout de cinq jours d'aventure, j'hésite quelques secondes, la regarde dans les yeux, et dit « Hashtag Hayden a de la chance ». Et je la fixe encore après ça.

Aujourd'hui, j'avais pas fait grand chose de ma journée. C'est bien dommage, car de base, j'ai 3 jours à rattraper ici, et j'ai l'impression que ça n'avait pas trop avancer. Mais c'est pas grave, on re-décalera ça à demain. Donc, n'ayant rien fait de la journée. Je me suis dit qu'il était peut-être temps d'aller me coucher. Mais voilà, arrivé à la chambre, je vis sur un lit Ajeya, l'indienne avec qui j'avais parler brièvement et un autre garçon, celui qui est passé brièvement à la cuisine l'autre soir, sans me calculer. Voilà donc une bonne opportunités de faire connaissance avec d'autres candidats. « Salut Ajeya, je ne me trompe pas ? » J'avais peut-être encore dû mal avec son prénom, autant m'assurer que je le prononce bien. Puis je tourna ma tête vers l'autre gars. « Salut, moi c'est Allan. La prochaine fois que tu iras chercher du Punch Coco dans la cuisine et que tu m'y vois, tu diras bonjour, et tu me serviras un verre en gage d'amitié. » Dis-je sur un ton amical, en m'installant sur mon lit.

Des tas de filles vont acheter des Dragibus ... Pour avoir une chance avec moi ? Je rigole dans un léger souffle à sa remarque. « Ca ne fera que quelques groupies en plus » je dis pour m'amuser de la situation, nous rendre inaccessibles l'un à l'autre, tout en nous cherchant, c'est ce qu'on essaye de faire, non ? Et Ajeya le fait d'ailleurs très bien puisqu'elle critique ensuite le cadre dans lequel on se trouve. « Tu critiques ma chambre, ou je rêve ? » Parce que si je me souviens bien, la chambre 1 n'est pas un cadeau de dieu non plus. Mais pour changer le cadre, je décide de prendre la couette et de nous recouvrir avec. On est donc plongé dans la pénombre, avec pour toute lumière celle qui parvient à filtrer au travers du draps. « C'est pas les Bahamas non plus, mais tu peux t'imaginer ou tu veux maintenant, à partir du moment ou il fait nuit ». Je mange un nouveau bonbon, maintenant qu'on est a moitié confiné sous la couverture, la température va rapidement augmenter. Maintenant que nous sommes à l'abris de la lumière, elle me dit qu'elle ne s'en prendrait pas physiquement à quelqu'un. « J'aimerais en dire autant, mais j'ai la facheuse tendance de riposter par la force quand on s'en prend à mes proches et à ceux que j'aime, je dis comme un avoeux. Sinon, je suis plutôt pacifique aussi. Je n'aime pas la violence gratuite ». Comme lapider les gens, hein, Achille. Elle termine par ironiser mon hashtag et je décide de rajouter, la voix enjouée « Hashtag Ajeya s'isole sous la couette dans SS11 ». Puis j'entends quelqu'un nous rejoindre, il se présente au nom de Allan et me fais la remarque par rapport au Punch Coco d'hier que je n'ai pas pris la peine de partager avec lui. S'il ne m'avait pas coupé dans mon moment privilégié avec Ajeya, j'aurais apprécié la remarque, mais il venait de me couper. « Malheureusement, je n'ai pas d'alcool sur moi, du coup je vais me contenter de dire salut pour cette fois ? » Je demande sans vraiment attendre de réponse, tout en commençant a faire caresser doucement le bras d'Ajeya, comme pour garder le lien entre elle et moi et ne pas transformer en trio définitif notre moment partagé.

Je me suis pris un violent bash. Plus violent tu meurs. Je compris très vite que ma présence ici était clairement mal placée. « Ok, je vois ça, donc je vous laisse. » Je soupira donc, avant de m'allonger. Pas pour ce soir, les présentations.

Olaf arrive... et entend une petite conversation. Il s'installe dans son lit et fait semblant de s'endormir. En réalité, il reste à l'écoute. Chaque information peut être intéressante.

« Je n'ai pas besoin de beaucoup de monde autour de moi, je dis le plus sérieusement du monde, une seule personne peut me combler tu sais ». Comprends-là ce que tu as envie de comprendre, Ajeya, se sera tout à ton honneur peu importe ce que tu en conclus. Elle me taquine par la suite en me menaçant de quitter la chambre, je souris et laisse couler quelques secondes une fois qu'elle a fini de parler, voyant si elle fait semblant de s'en aller. Mais elle ne bouge pas. « Je te laisserais partir uniquement si c'était pour nous emmener dans un endroit plus ... Romantique », je souffle avant de nous couvrir. Une fois sous les draps, elle me demande ou est-ce que moi je m'imagine. Je m'allonge alors et l'entraîne avec moi en me couchant, se tête basculant de mon épaule à mon torse, tandis que je continue de lui caresser le bras. « Sur un toit, à Londres, entrain de regarder les étoiles ». Une constellation au dessus de nos têtes. Je m'autorise à compléter : « Le bruit de la circulation qui ne s'arrête jamais en contre-bas, la lueur blanchâtre de la lune sur nos visages, le bruit étouffé et froid de la nuit ... ». Je me tais ensuite et la laisse mettre son surnom sur la table. Le balais dans le cul. « Même si je ne le pensais plus, je continuerais de t'appeler comme ça, juste parce que je sais que tu n'aimes pas » Je dis en laissant s'échapper un vrai rire, pour la première fois depuis le début de l'aventure. Puis elle me fait remarquer que je sens bon à l'instant même ou Allan nous interrompt, je ne peux pas vraiment lui répondre, mais visiblement, je parviens à faire s'éclipser le garçon qui n'apprécie pas ma manière de le rembarrer. Lorsqu'elle me demande si je ne le rattrape pas, je me contente de rester allonger dans le silence plusieurs secondes, et de répondre ensuite : « Pour quoi faire ? Une seule personne peut me combler, c'est ce que j'ai dit, non ? ». On entend quelqu'un rentrer dans la chambre ensuite. Nous nous faisons tout petit, murmurant plus que parlant désormais.

Ajeya me confit qu'elle n'est que rarement seule, que rarement coupée du monde. Et c'est un bonheur pourtant si facile à obtenir. C'est quelque chose d'essentiel à ma propre survie, j'en ai besoin pour être bien, pour me ressourcer. « Le silence et la solitude, c'est tout ce qui permet de prendre du recul et de faire le point ». Elle complète ensuite en expliquant que son boulot n'aide pas. La sphère médiatique est une zone qui ne s'interrompt pas, qui tourne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n'y a pas de noir. Et se faire de vrais amis dans ce monde de strass et de paillettes peut être très très compliqué. « Ce n'est pas la vie que j'aurais aimé avoir, je dis doucement, sincèrement, je ne suis pas fait pour vivre dans les projecteurs. J'ai un peu l'impression d'être comme un serpent, d'agir dans l'ombre, sans pour autant pâlir devant la férocité d'un lion, tu vois ce que je veux dire ? Ou mon cerveau commence à fatiguer et j'image beaucoup trop mes pensées ? » Je demande dans un léger rire. Un serpent qui attaque par derrière, un animal à sang froid, venimeux, qui tue lentement après une morsure, qui laisse agoniser plusieurs heures, voir plusieurs jours avant d'abattre sa proie. Sur cette image, nous restons dans le silence plusieurs minutes, avant qu'Ajeya le rompe pour m'expliquer qu'elle est déjà allée à Londres et qu'elle avait apprécié son séjour. En même temps, comment ne pas aimer une si belle ville ? « Tout ce qui vient d'Angleterre est forcément bien de toutes manières », je rétorque en bon patriote, incluant ma petite personne dans ma phrase généraliste. On dérive ensuite sur comment la maison l'a catalogué de par et son attitude et son âge. Je fais une moue qu'elle est bien en peine de voir avant de répondre : « Méfiez vous des apparences, c'est ce qu'ils disent tous. Malheureusement, c'est souvent par ça qu'on se laisse embarquer dès le début. Et c'est après qu'on avise nos jugements. Ton surnom disparaîtra avec le temps ». Et j'en suis convaincu. Les gens vont la découvrir telle que je la découvre ce soir : vraie, humaine, naturelle. Suffisamment naturelle pour m'offrir un délicat surnom qui me vole un sourire et laisse s'échapper un rire d'entre mes lèvres. « Va pour l'anglais frileux » je capitule alors. Enfin, comme ouvrant une parenthèse dans la parenthèse, elle me demande si on ne devrait pas faire attention à tout le monde ici, si on ne devrait pas réfléchir avant de s'emballer. « Et je fais attention à tout le monde, j'avoue alors, mais je sais faire la différence entre des baies-vitrées fermées et des portes ouvertes. Je sais voir qui laisse apparaître et qui montre ». Et Ajeya, si je me trompe ce soir, alors tu auras réussi ton coup. Mais j'ai confiance. Je veux avoir confiance. Sous cette couette, j'ai l'impression qu'on peut tout s'avouer.

Ajeya a raison, la plupart des gens se contentent de la familiarité de leur oreiller pour pouvoir se vider la tête. Ils n'ont d'autre place pour pouvoir le faire, ils se contentent de ce qu'ils ont, et Ajeya est une de ces personnes. Mais elle n'a pas l'air de s'en plaindre puisqu'elle m'avoue ensuite qu'elle aime la vie qu'elle a. Je souris dans l'obscurité sous la couverture. « On a qu'une seule vie, mais si on la vit bien, une seule fois, ça suffit ... », je dis, songeur, tandis que je me sens attiré par les bras de Morphée. Il ne faut pas se laisser bercer dans une vie qui ne nous convient pas, si on n'est pas à notre place, il ne faut pas hésiter à changer de position, de poste, d'ambiance et de travail. Notre conversation dérive sur mon caractère, et elle me demande si je suis quelqu'un de sournois. « Je pense qu'on peut dire ça. Je dirais que j'essaye toujours d'avoir un coup d'avance sur mes adversaires, tu vois ce que je veux dire ? », au fur et à mesure que je parle, mon accent anglais reprend du terrain, j'ai de plus en plus de mal à parler à la française, et je sens la fatigue m'emporter, très vite, mes mots deviendront un franglais incongrus et difficilement compréhensible. Ajeya me conseille ensuite de me protéger, de faire attention à moi. Une seconde ? Est-ce que j'ai renvoyé une image faible de moi ? Car je sais que je dois me protéger. Je le fais. « I'll always be careful, promise, je dis dans un murmure presque inaudible, et lorsqu'elle me demande si je l'appellerai si on m'embêtait, je me contentais de répéter, promise ... », et les mouvements de ma main sur le bras d'Ajeya s'arrêtèrent, et avant de définitivement sombrer, j'ajoutais : « Would you, like, stay ? ».