Jour 1

Après avoir eu si chaud à la salle de bain, je me pose sur un des fauteuils du jardin pour prendre l'air. La pluie a cessé, il fait bon, on a même quelques rayons de soleil. J'aperçois un papi dans le jaccuzi. Ils sont sérieux ? Ils ont vraiment pris n'importe qui. Heureusement que je suis là pour rehausser le niveau.

L'intérieur de la maison me semblait bien trop agité pour que j'ose y prendre part. Aussi, dans mon calme habituel, je m'étais dirigé vers l'extérieur du jardin, retroussant ma chemise au niveau de mes coudes avant d'allumer une clope et de la disposer entre mes lèvres. Là, mes prunelles tombèrent sur un ballon caché au pied d'un arbuste, et c'est naturellement que mes pieds vinrent le récupérer, jouant calmement avec tout en ayant les pensées totalement ailleurs. « Eh, Don Juan, mâte-le encore un peu plus longtemps et je vais finir par croire que t'es branché Sugar Daddy. » le taquinais-je un infime sourire aux lèvres.

Un gars calme dans sa voix était venu me dévier de mes pensées. Don Juan. Ça, c'est un surnom qui me plaît et qui flatte mon égo bien sûr. Pourquoi ? Tu ne le trouves pas sexy dans son jaccuzi ? Il me répugne plus que tout le reste en tout cas.

Un léger rire s'échappa de mes lèvres. « Mince, moi qui pensais être ton genre, je suis déçu. Aucune chance face à Manu. » ironisais-je avant d'ajouter « Enfin, personnellement j'aime mieux taper dans les octogénaires, ils ont moins de bagout, et l'héritage est un peu plus proche. » D'accord, c'était pas hyper sympa, mais avouez que ça n'en était pas moins vrai. « Au delà de ça, t'as réussi à te faire des admiratrices déjà, ou tes talents de Don Juan sont encore mis à l'épreuve ? » je supposais qu'il avait été casté par la prod pour sa bouille et son corps plus que pour son histoire. Il était là pour charmer, ça me paraissait évident.

A peine arrivée, je connais déjà tous les recoins de cette grande maison. J'ai voulu directement me familiariser avec l'endroit, et faut dire que j'ai plutôt réussi ma première mission personnelle. En même temps, j'y ai passé la journée. Mais bon, j'imagine qu'après la découverte des lieux, il me faut découvrir mes colocataires ? J'en ai envie, je leur ai parlé un peu à tous hier dans le jardin, ils étaient gentils. Beaucoup de mixité cette année, mais c'est certainement ce qui fera notre unité. I hope so!
Après un court instant de pluie, le soleil perce à nouveau les nuages. C'est le moment idéal pour aller rejoindre deux jeunes hommes qui discutent là, dans le jardin, tout en matant Manu qui prend du bon temps dans le jacuzzi. J'arrive avec un sourire aux lèvres, amusée. « Ah bah j'vois que niveau séduction ça perd pas d'temps par ici. » Je ris légèrement, tout en m'asseyant en tailleur sur le transat à côté de celui de Shiva. « J'sais pas lequel d'entre vous lui a tapé dans l’œil, mais il est clairement insistant. » Je lance un nouveau regard en direction du daron de la saison qui les fixe, sans moquerie ni jugement, c'est simplement bon enfant. A cet instant, je sors un paquet de filtres bio de la poche de mon sarouel pour l'apporter à ma bouche, et commencer à rouler une clope.

Ça faisait un bon moment que je n'avais pas touché à un ballon, je dirais que la dernière fois remontait à lorsque nous étions adolescent, mon frère et moi. Autant dire que ce temps était révolu et que cela devait donc bien fait six à sept ans que je n'avais pas réellement joué à la balle. Enfin, c'était quelque chose qui ne se perdait pas, comme le vélo. J'avais passé une bonne partie de mon enfance sur les terrains de foot, entre autre. Beaucoup s'imaginaient que je n'étais qu'un nerd mais c'était loin d'être le cas. Une blonde ne tarda pas à nous rejoindre, et alors que je laissais le ballon rouler sous mon pied, mains dans les poches et clope au bec, voilà qu'elle se joignait à la conversation. Apparemment, le vieux semblait encore jeter un oeil dans notre direction. En vérité, il devait être absorbé par Ajeya, n'importe qui le serait. « Ne sois pas jalouse, s'il te plait. » Ça n'est pas parce qu'elle pas encore de fan qu'il fallait qu'elle dénigre ceux des autres. « Tiens d'ailleurs, hypothétiquement parlant, si tu n'avais pas le choix et que tu devais te faire l'un de nous deux, tu choisirais lequel et pourquoi ? » Oui, j'étais ce genre de gars à me poser des questions existentielles.

Emile n'a pas l'air de beaucoup rigoler à mes enfantillages, mince. Je pince mes lèvres et arbore une légère moue, tout en me concentrant sur la procréation de ma clope. « Ouais non j'avoue, il faut que j'utilise le self-control là. Si j'commence à vous montrer maintenant à quel point je suis jalouse et possessive, j'saute au prochain SAS. » je réplique, d'un air sérieux alors pourtant que cette phrase est ironique au possible. Ni jalouse, ni possessive pour un sous. Mais j'ironise, toujours, tout l'temps, à tout bout d'champ. Et après un coup d'langue rapide sur la feuille ocb bio, j'affiche un sourire semi-satisfait, semi-amusé, regardant l'asiatique au travers d'mes gros carreaux d'lunettes. Un bref moment d'silence s'installe, le temps pour moi d'allumer ma clope et de me faire surprendre par une question balancée à l'inopinée. J'crache un premier souffle de fumée, j'prends quelques secondes pour réfléchir à la réponse, les lèvres pincées et les sourcils légèrement froncés. « Mmh, j'sais pas. » Je les regarde tous les deux. « Lequel d'entre vous serait le plus prêt à l'faire dans un bus qui parcourt la route 66 à 150km/h ? » Qui a dit qu'faire connaissance demandait des questions basiques et scolaires?

Je retire mes lunettes de soleil pour le regarder de droit en haut. T'es bien foutu pour un asiatique. T'es même presque artistique. Je reporte mon regard vers le petit vieux qui apparemment se faisait appeler Manu alors que le chinois me parlait des octogénaires. L'héritage est plus proche, mais en prendre un moins vieux et forcer le destin ça marche aussi.
Il parle alors admiratrice. Inutile de dire que j'ai tapé dans l'oeil à chacune des filles, et à une bonne partie des mecs, ici. Ça se pourrait que mes talents ne soient pas à remettre en question. Restons "modeste". Ce mot m'arrache la bouche, j'ai l'impression de mentir en me rabaissant comme ça.
Nous vient alors une jolie blonde au sourire ravageur et au tailleur très serré. Elle s'assied à côté de moi. Je n'ai pas souvenir avoir parlé à ces deux là hier soir. Ça sera chose faite.
Elle aussi fait allusion à Papi dans son jaccuzi qui nous regarde avec insistance depuis pas mal de temps. Si ça se trouve on lui fait de l'effet. Rien que d'y penser j'ai envie de vomir, et pourtant, pour garder un équilibre entre son corps et son esprit j'imagine qu'il a aussi des besoins qu'il doit combler de temps à autres. Vient alors une question posée par - je ne sais pas son nom - à la belle blondinette. J'attendais une réponse. Et au final la voilà qui nous pose une autres question. Pourquoi dans un bus ? Ça manque un peu d'imagination. Je l'ai déjà fait en tout cas dans des endroits bien plus exotiques qu'un bus. En parachute les sensations sont plus grandes.

Le brun m'analysa de bas en haut avant d'ajouter que j'étais plutôt bien foutu pour un asiat. Que j'étais même artistique. « Ok, je sais que t'essayais une approche là, mais vraiment, t'as juste à être beau en fait. » et autrement dit à te taire. Du moins si c'était pour sortir des phrases de ce genre. Voilà qu'il me parlait carrément de meurtre, merde, dans quoi est-ce que je venais de m'engager. « Du moment que t'es doué pour cacher les preuves par la suite... » J'espérais secrètement qu'il n'y avait aucun flic dans le casting qui puisse nous entendre parler là tout de suite. Et donc apparemment, il semblerait qu'il ait déjà eu son petit effet sur ces demoiselles, ce qui ne m'étonnait pas. Il n'y avait qu'à voir "Martine et ses soixante-six MST à Bali" pour comprendre de quoi je parlais. La blonde elle, semblait approuver mes paroles, ce qui lui valait un bon point. Avouer que j'avais raison était toujours une bonne manière de m'avoir dans sa poche, c'était bien connu. Sa prochaine question me fit cependant sourire, et pourtant, pas le temps d'y répondre que le brun enchainait à nouveau, parlant de parachute. Attendez... « Ok, en parachute ? Mais... Comment tu rentres... » marquant une pause, je fronçais les sourcils avant de faire la moue « Non, en fait ne réponds pas à cette question. » Je préférais que ça reste un mystère, et là dessus, un léger rire s'échappa de mes lèvres. « Je ne suis qu'un homme, je capitule, tu peux avoir Ken au sourire colgate. » Le faire dans des endroits aussi peu commun, ça n'était pas franchement pour moi. A croire que j'étais un grand adepte des classiques à l'horizontale.

Bon allez, va falloir que je casse ma coquille... Je suis un peu timide mais ça devrait aller... 23 personnes... Dur dur de faire le tour de la maison en étant un peu tranquille. J'arrivais dans le jardin et vit trois candidats posés... Je m'approchais d'eux alors qu'ils étaient en train de parler. Je reconnus Shiva qui m'avait fait une bonne impression la veille. Je ne voulais pas être grossier, je m'installais en discrétion sur l'un des transats avec mes lunettes de soleil.

Je m'efforce de faire un compliment en essayant de dire qu'il est pas trop moche comparé à moi mais je crois qu'il l'a mal prit. Susceptible. À ajouter à la liste. Je suis doué pour cacher beaucoup de choses.
Comment tu rentres ? Tu veux dire, comment tu le fais ? Bah faut être un peu imaginatif. Mais je te le conseille. On va pas s'éparpiller dans les détails, celle ou celui qui veut tester je l'emmène avec moi et on le fait.
Et voilà déjà qu'il capitule. Normal. Mais on va pas enfoncer le clou plus loin.
Sofiane se pointe à tour. Je l'avais trouvé sympathique en apparence hier soir. Ça va ?

Première discussion que j'engage, ça porte sur le sexe. Bien Clem, d'ici deux jours tu les transformera tous en militants pour la cause LGBT. Quand je lance ma question, c'est Shiva qui entreprend d'y répondre en premier. Sa réponse m'arrache carrément un sourire en coin, alors que j'tire sur ma clope la tête baissée. Quand je la relève, je tombe sur la moue d'Emile et, sur ses interrogations qui me font exploser de rire. Finalement, il n'avoue qu'il n'est qu'un homme. Un ordinaire. Bien Clem, d'ici deux jours tu les transformera tous en militants pour la cause féministe ! « Bon bah, t'as ta réponse alors. » je réponds finalement en haussant naturellement les épaules, un léger sourire aux lèvres.
Briquet dans les mains, je m'amuse à le faire vaciller entre mes doigts, ça occupe. C'est instinctif. A ce moment-là, il y a une nouvelle tête qui se joint à nous. Sofiane, j'crois. « Heeey man ! » J'dis ça sur un ton plutôt enthousiaste, lui tendant même la main pour qu'il me tape un high five. « Tu préfères qui, toi ? T'es plutôt du genre Manu dans le 69, slip de bain, bière en main, corps dans l'bain ? Plutôt Emile, plutôt tranquille, qui tape la balle dans le mille ? Ou plutôt Shiva, yeux marins, sourire coquin, passion fortes sensations ? » J'ai présenté ces messieurs avec un sourire constant, sur un air plutôt théâtrale. Tu parles, l'animation, ça m'connaît !

Je répondis à Shiva :

ça va , ça va... Un peu saoulé par les hystériques mais ça va...

Je répondis au check de Clémence. En lui tapant dans la main et j'écoutais sa question. Un sourire s'esquissa sur mon visage...

*Elle est barge! J'adore!*

Je lui répondis... Non je préfère la Clémence à mi chemin entre folie et intelligence. Une fille qui fait des High five doit bien être au dessus du lot.. Non?

Je dis salut à Emile qui avait l'air un peu dubitatif... Surement un rapport avec ce qui se disait avant...

Très clairement, je n'avais aucune envie de savoir comment rentrer dans hm... Enfin. Cette discussion venait de totalement m'échapper, il fallait bien se l'avouer. Et c'est donc tout naturellement que la blonde capitula pour l'autre gars. « Tant pis, moi qui pensais que l'on était destiné à de grandes choses. » ironisais-je alors qu'un nouveau candidat s'installait non loin de nous et que la blonde l'interrogeait à son tour. Décidément, les asiatiques n'avaient pas trop la côte par ici, puisqu'il optait pour la blonde. Donc du coup j'étais un peu le dindon de la farce quoi, le plan de secours, je vois. Il me lance un regard, j'arque un sourcil. « Non mais c'est bon, vous m'avez vexé. » sur-jouais-je. Pas vraiment à vrai dire, je savais que mon profil n'était pas celui que les européens préféraient et je n'avais jamais eu aucun soucis avec ça. De toute façon, si je venais de divorcer, ça n'était pas pour me retrouver quelqu'un de si tôt.

Évidemment, toute personne saine d'esprit me choisirait, pas besoin de se leurrer. J'adresse un clin d'oeil à la belle blonde. T'as fais le bon choix. À l'arrivée de Sofiane, Clémence le met face à un dilemme et lui demande de choisir un gars entre Manu, le chinois, et moi. Décidément aujourd'hui tout le monde est très inspiré.
Des hystériques. Tu ne sais pas si bien dire. Depuis ce matin les gens que je rencontre sont tous dégénérés. J'avais un peu perdu espoir jusqu'à maintenant. Faut le dire, même s'ils sont pas à mon niveau, ils sont dans le haut du panier.

Je ne comprenais pas la réaction d'Emile... Avais-je loupé un épisode. Etait-il gay? Bah je n'ai rien contre ça mais je ne voulais pas le vexer... Je fus mal à l'aise à mon tour et commençais à rougir... Et comme quand je suis mal à l'aise, je suis maladroit... Je demandais à Emile...

Tu tapes toujours dans le mille? Tu fais des fléchettes?

Je paraissais surement niais mais j'avais vraiment rien compris... Au pire, à paraître ridicule, il ne sera pas déçu du micro vent que je venais de lui mettre... Ah si je pouvais me faire tout petit...

Bref, si je passe pour un débile, ils ne se méfieront pas de moi...

Shiva m'appris que la maison était peuplée de Barges... Je le pensais secrètement aussi mais je me demandais si c'était pas du surjeu pour ne pas brouiller les pistes... Vite, il fallait que je change de sujet... Allez intéressons-nous de plus prêt aux interlocuteurs.

Vous faites quoi de beau de votre vie à l'extérieur?

Il est assez spécial lui. Je ne sais pas si c'est de la timidité ou de la stratégie. Je suis peintre et sculpteur. Pas sûr que ça intéresse grand monde dans cette maison vu la culture qu'ils ont. Et toi ?

*Sculpteur et peintre! Sympa*

Je lui répondis avec un peu moins d'enchantement... Je viens de commencer une carrière d'éducateur. ça fait moins réver mais bon...

*Entre les bimbos, les mannequins et les retraités... ça passera innaperçu non?*

Évidemment. TOUT fait moins rêver que ce que je suis ou ce que je fais. Mais le gars est sympa je l'aime bien je vais pas trop le casser aujourd'hui. C'est un métier pas facile. Mais c'est bien, le contact avec les gens. Tout ça tout ça.

Mon sourcil s'arqua automatiquement lorsqu'il me demandait si je faisais des fléchettes. En vérité, j'étais plutôt doué pour ça, mais non, ça n'était clairement pas mon domaine de prédilection. Aussi, lorsqu'il nous questionna sur nos métiers, je répondais donc naturellement « Je suis auteur et réalisateur pour des longs métrages. » j'avais l'impression de sortir cette phrase comme une punchline à chacun des candidats, mais soit. Le premier était donc un artiste « Je comprends mieux la remarque sur mon "physique artistique". » m'amusais-je alors que le second, lui, se dévoilait comme éducateur. Pas franchement mon truc l'éducation, je n'avais pas de patience pour les plus démunis, ou les moins intelligents, qu'on se le dise. « C'est clair qu'il faut du courage. » ou de la folie, allez savoir.

J'avais envie de lui demander s'il peignait sur les gens mais je n'osais pas car blague sur blague... C'était pas bon...

Je lui dis:

Ah, tu as l'occasion de voir pas mal de gens? Quand tu exposes non? Je pensais que ces métiers artistiques étaient solitaires, car quand tu produis, tu dois être au calme non? *Posey... Chhhht arrête de penser à dire des conneries!*.

Emile m'apprit qu'il faisait des longs métrages... Je l'imaginais dans le porno, mais pareil, il y a mieux comme approche... Je lui dis simplement:

Sympa! Si un jour tu cherches un acteur... N'hésite pas...

Bon, c'était histoire de sympathiser car mis à part les quelques cours de théâtre que j'avais eu gamin, je ne sais pas si j'en serai capable...

Auteur et réalisateur. Lui aussi il a un goût prononcé pour l'art. Je me sens moins seul pour le coup. À noter. Il fait une remarque sur ce que j'ai dis juste avant concernant son physique. Au final il ne l'avait pas mal prit. Pas rancunier. À ajouter sur la liste.
Il partage d'ailleurs mon avis quant au métier de Sofiane, qui me pose une nouvelle question. L'heure est aux confidences.
Je vois pas mal de gens, partout dans le monde. Mais j'aime bien aussi travailler seul.
Me retrouver dans mon cocon et ne faire plus qu'un avec l'oeuvre que je crée.
Il a pas l'air bête, il a même l'air très intelligent le Sofiane. À noter.
Il se propose comme acteur pour l'un de ses films. Donc il aime jouer la comédie. À noter.

Emile, il a l'jeu de l'ironie, lui aussi. Ça m'plaît bien, ça. Il sait comment m'parler. « C'est d'ta faute aussi, t'es trop innocent pour moi. » J'le taquine, un sourire en coin de bouche, avant d'habiller cette dernière en y coinçant ma clope, que j'garde quelques secondes ainsi, en bonne pause de philosophe antique. Je décroche un rire dans un souffle en voyant la réaction d'Emile, ce garçon a l'air vraiment cool putain.
Sofiane aussi, il est cool, il rentre direct dans mon jeu, il ne cherche pas à en connaître les ficelles avant de les tirer, ça m'plait.« Au-dessus du lot, j'sais pas, mais au moins à l'écart oui. » j'réplique, avec un p'tit sourire. Ça fait peut-être ordinaire de se qualifier comme marginal, mais moi je le pense. Je le pense, et je suis franche, alors je le dis. J'ai pas honte d'assumer qui je suis, bien au contraire.
S'en suit la question bateau. C'qu'on fait dans la vie. C'est tout de suite moins fun, tout de suite plus sérieux. Néanmoins, attentive, j'les écoute se confier un à un, et je mémorise. Des artistes, en somme, ils ont pas l'air bête. Quand vient mon tour, je hausse les épaules. « Devinez c'que je fais dans la vie. » C'est toujours plus drôle, ça ! Je me dresse, toujours assise en tailleur mais le dos bien droit, le chignon décoiffé dont des mèches tombent déjà sur mes épaules, et le sourire de grande gamine affiché sur l'minois. J'ai l'air de quoi, moi ? Une institutrice, j'parie !

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