Jour 55

Je me pose près de la piscine, vêtu d'un simple débardeur avec un short. J'ai envie de regarder la lune... elle est belle et flamboyante.

Alessandro arrive doucement, allant profiter de la fraicheur ambiante du soir à l'extérieur. Évidemment, il y était allé aussi parce qu'il avait vu Esteban seul dans son coin. Il se pose à côté de lui, non sans une petite caresser dans son dos lorsqu'il s'installe et regarde dans la même direction que lui. « A quoi tu penses ? » souffle t-il alors que ses pieds viennent jouer avec l'eau de la piscine.

Alessandro vient se poser près de moi et se met à regarder dans la même direction que moi... cette lune, qu'est-ce qu'elle est belle. Minuit à la Plaine Saint Denis, ça vend du rêve. Il me demande à quoi je pense... belle question. Je me mordille vite dans la lèvre inférieure et je contemple bien la lune, ce qu'elle m'inspire avant de répondre : « Je pense à la vie qui défile rapidement... ». Je réalise qu'on doit tous en profiter, car on mourra à un moment ou à un autre. Après, quelle sera l'issue ? En tant que bon juif qui se respecte, je souhaite que ce soit le paradis. « Et toi ? ». On pense tous à quelque chose quand on regarde le paysage. Ses symboles nous inspirent un truc, une émotion. Et j'ai envie qu'il se lâche.

Il pense à la vie qui défile rapidement... en regardant la lune. « Et ça t'inspire quoi ? » demande t-il à la suite, voulant creuser le superficiel que Esteban fait toujours paraitre et ainsi donner des réponses à ses questions. « Je pense à ma vie à L.A, à ce que j'ai déjà et à ce que qui me manque dans cette vie pour être encore plus épanoui. Je pense.. forcément à toi, à nous. Ce qu'on a partagé, ce qu'on partage et ce qu'on pourrait partager. » Il lâche un soupire et regarde finalement ses pieds qui font vibrer la surface de l'eau.

Qu'est-ce que ça m'inspire ? La lune, la vie qui passe vite... « Bah qu'il faut profiter de chaque instant... que je dois peut-être arrêter de me plaindre de tout et n'importe quoi. ». Je marque une pause. « ... enfin non, pas arrêter, parce qu'être chiant, c'est ce qui fait mon charme... mais peut-être mettre plus d'eau dans mon vin pour ne plus passer à côté de belles choses. ». Soyons réalistes. J'aime râler pour un rien, j'aime prendre les gens de haut... et ça ne changera pas. Mais on peut améliorer les choses. « Puis surtout, profiter avec son mari, ses enfants, un petit chien. Le bébé qui braille à trois heures du mat et qui arrive sur les bancs de la fac sans même que t'aies vu le temps passer. Du bonheur simple, quoi. ». Je ne cite pas une fois les beaux restaurants, les boutiques de luxe, les vacances à Miami. Au fond, c'est peut-être ce qui me correspondrait le plus : une vie simple. Mes yeux restent plongés sur le croissant... « Tu te rends compte que si on s'en donne les moyens, on pourra la côtoyer de plus près ? ». Il sait que je suis croyant... donc il comprendra où je veux en venir. Je l'écoute me dire qu'il pense à sa vie à L.A., à ce qu'il a déjà, mais aussi à ce qu'il n'a pas, en n'oubliant pas de parler de moi. « Ma question va peut-être te paraître surprenante... mais à part l'amour, il te manque quoi ? ». J'ai envie d'aller plus loin que les discours de rapprochement, de possible couple et tout. Je veux réapprendre à le connaître, comme au début. Moi aussi, j'ai des interrogations, et moi aussi, j'ai envie d'y répondre. Attendant sa réponse, je le regarde faire gigoter ses pieds tandis que je fais bouger les miens dans l'eau.

Pour Esteban, se rendre compte que le temps passe vite lui fait comprendre qu'il doit profiter de chaque instants et mettre plus d'eau dans son vin. Il garde un visage fermé, gardant ce qu'il pense de sa réponse pour lui. Il rajoute qu'il aimerait fonder une famille. « Peut-être qu'il faudrait que tu grandisses toi-même avant de penser à une famille non ?  » demande t-il  alors avec un léger sourire. Il attendait plus à des projets concrets pour se sortir des jupons de son papa. « Tu sais que ton caractère ou ton gout pour le luxe ne m'a jamais dérangé hein ? » Alessandro venait d'une famille simple, avec des valeurs simples mais c'est pas pour autant qu'il n'aimait pas le luxe et les belles choses, surtout sachant le milieu dans lequel il évolue. Les strass et les paillettes, ça fait toujours rêver. « Il me manque plein de choses Esteban. J'ai encore plein de choses à apprendre, des projets artistiques à finir. Je rêve d'ouvrir ma propre école de danse, d'acheter un terrain et de construire la maison de mes rêves. Je suis animé par l'ambition, un éternel insatisfait. Il n'y a rien qui t'anime, qui te fait sortir les tripes d'ici ? » demande t-il cette fois en se retournant vers lui, venant toucher son torse. Il a juste envie de le bouger, de l'aider à ouvrir les yeux.

Que je grandisse moi-même avant de penser à une famille ? Alessandro a toujours été très franc... quitte à parfois te faire redescendre violemment sur terre. Et c'est sa qualité principale. C'est l'un des trucs que j'aime le plus chez lui. Mais c'est vrai que c'est l'une des raisons principales de l'extinction de notre couple. Il veut te faire évoluer... et des fois, peut-être trop. Du moins, trop rapidement. Et même si je suis de nature perfectionniste, j'admets qu'il oublie parfois que chacun avance à son rythme. « J'ai jamais dit que je le ferai maintenant. Là, je dois me concentrer sur ma carrière, mon futur appartement, ma future gloire... sans oublier mon homme si je trouve le bon. », dis-je en le regardant de manière impassible. Est-ce que t'es le bon, Alessandro ? C'est possible... mais pour le moment, t'es loin d'avoir fait tes preuves. N'oublie pas que si on en est arrivé là, c'est aussi parce que t'as fait des conneries. Et que j'ai envie d'être assuré que tu ne les referas plus. Il me demande si je suis conscient que mon caractère et mon goût du luxe ne l'ont jamais dérangé. « Ah mais clairement, je serai toujours la petite princesse pourrie gâtée. C'est ancré en moi... mais dans la vie, il y a aussi d'autres aspects auxquels il faut s'ouvrir et penser. ». Je marque une pause. « Pendant cinq ans, t'as supporté mes caprices. ». Et si ça se refait, entre nous, il les supportera encore et encore. Même si je me remets parfois en question, je ne changerai pas. Comme je l'ai dit : Esteban chiant, ça fait mon charme... c'est juste que des fois, il faut que je fasse quelques efforts pour être plus supportable. « J'pense juste au long terme... mais en vrai, c'est dans longtemps. Déjà, faut que je pense à l'appart, à mon job de mannequinat, à la fin de mon jeu... bref, au présent et au futur proche. ». J'vais pas trop me projeter, en vrai. Puis aussi à si on est faits l'un pour l'autre... mais je me garde de lui dire. Quand je lui pose une question sur le paradis, il me met un vent... « Merci pour la tempête... ». J'me gêne pas pour lui dire. Il me parle ensuite de ce qui lui manque, de ses projets, il veut ouvrir une école de danse. J'écoute avec attention. Il finit alors par me demander si y a rien ici qui m'anime, qui me fait sortir les tripes... Il se retourne vers moi et commence à toucher mon ? son ? torse. La narration à la troisième personne ne rend pas clair cet implicite. Je me tourne aussi vers lui... « J'ai peut-être une idée... mais il manque peut-être un dernier truc pour la confirmer. T'as une idée ? », que je lui demande en lui souriant.

Esteban semble quand même avoir un peu réfléchi à son avenir ce qui le rassure quelque peu. Il lui fait remarquer qu'il n'a pas réagi à sa question sur le paradis. « Quoi, tu trouves pas qu'on en a déjà assez à réfléchir sur nos vies présentes avant de penser à la vie d'après ? » demande t-il  en riant. Ptite tête. Puis bon, il faut la mériter cette vie et il a pas l'impression qu'Esteban s'en donne les moyens. Peut-être qu'il a pas vraiment envie d'y aller... « Surprends-moi » fit-il lorsqu'il lui demande s'il a une idée. Ça faisait deux ans après tout qu'ils ne s'étaient pas parlé.

Ma foi, ce qu'il dit, ça se tient. Mais bon, quand t'es croyant, faut quand même y penser. Il me demande ensuite de le surprendre... « En fait, je me suis rendu compte que depuis ton entrée, il n'y a jamais eu d'excuses par rapport à ce qui s'est passé y a deux ans. ». Et ça, c'est un truc... je dirais même le truc que je lui reproche. Il m'a quand même trompé. Ca a été une expérience très humiliante... même si je ne suis pas tout blanc. Bref, j'en ai beaucoup souffert. Et c'est peut-être le truc qui peut faire la différence. « Et je voulais m'excuser de t'avoir fait souffrir... parce que je sais que t'as souffert de la situation. ». Et je suis sincère quand je dis ça... j'attends de voir ce qu'il va me répondre. Et c'est un facteur qui peut déterminer la suite des choses.

Il est vrai qu'Esteban mérite des excuses par rapport aux bêtises qu'il a pu faire par le passé. « Je m'excuse également Esteban. Je sais que t'en as beaucoup souffert et qu'à cause de ça, t'as du mal à faire confiance aux hommes » Il vient lui caresser le dos et le rapprocher de lui. « Ma démarche est sincère ici tu sais ? Peu importe qu'on se remette ou pas ensemble, je veux juste que tu sois en paix avec toi-même. J'ai toujours eu ce côté protecteur et de mentor envers toi, voulant te tirer vers le haut et ça me tue que t'ai pu être autant blessé par ma faute » C'est aussi pour ça qu'il était venu dans cette aventure, pour gagner le pardon d'Esteban car il ne s'était jamais senti bien à cause de ça. Il a toujours eu un sentiment de culpabilité qui le rongeait depuis.

Il finit par faire ce que j'attendais : s'excuser. Je le regarde attentivement... et franchement, ça me fait plaisir de voir ça. Il ne fait pas que s'excuser, il se rend aussi compte des répercussions que ça a eu... rien que pour ma confiance en moi. « Je suis content que tu t'excuses... et c'est la seule chose qui me manquait pour réellement passer à autre chose. Donc je te pardonne. ». Il se rapproche de moi, rendant sa présence rassurante, et prolonge son discours. Je suis tout ouïe lorsqu'Alessandro me parle de son côté protecteur. « T'as pas à t'en vouloir de ça... être exigeant est le plus beau cadeau que tu puisses faire à ton homme. ». Et je suis sincère en disant ça. Ca ne sert à rien de vouloir vendre du rêve, de faire des compliments toute la journée et tout, ça ne fait pas avancer. « Après, faut pas que t'oublies que chacun avance à son rythme. ». C'est comme moi avec ma chiantise : il faut toujours mettre de l'eau dans son vin. Je caresse — à mon tour — son dos délicatement... ces petites attentions me manquaient. « Bon, mon lit m'appelle. ». Je me lève. « Profite bien de ta soirée. ». Le petit bisou sur le front du soir, et let's go to the bed.