Jour 60

Je me ramène et je commence mon sport.

Après avoir fait un crochet par la cuisine pour récupérer une pomme, je viens à la salle de sport ou j'ai vu mon frère se rendre plus tôt. Souriante, je le regarde faire son activité matinale et dans un rire délicat je lui dis : « Bonjour à mon frère finaliste préféré ! je lui lance ensuite un petit clin d'oeil et ajoute, Je suis tellement soulagée que nous soyons tous le deux ici ».

Alors que je commence à faire du surplace sur le tapis roulant, Léna arrive avec sa pomme matinale. Je suis heureux de la voir. Je cours, je cours, je cours sur mon tapis, et elle dit bonjour à son frère finaliste préféré... c'est mignon. « Yop à ma petite soeur préférée finaliste aussi. ». On a atteint notre objectif : celui d'être tous les deux en finale. Que demander de plus ? Elle est tellement soulagée que nous soyons tous les deux ici. « Quand le présentateur a annoncé la nouvelle, j'ai sauté de joie, clairement. ».

Je regarde Corentin courir de plus en plus vite sur le tapis. Il a du courage, dès le matin. Je devrais m'y mettre moi aussi, mais je me dis que ça attendra, je n'ai aucune envie de me mettre à vraiment faire du sur-place maintenant, ni même de transpirer. Il m'avoue que lorsque Vincent a annoncé que nous retournions tous les deux dans la maison il a sauté de joie, je souris et hoche de la tête comme pour donner de l'impact à ses propos : « J'étais tellement heureuse, je dis d'abord un peu songeuse, avant d'ajouter, mais j'étais réellement convaincue de quitter la maison. Surtout après toutes les critiques que j'avais essuyé la semaine dernière tant de la part d'Anastasie que de Juliette que du public en général ». Ca n'avait pas été chose facile, de garder la face contre eux, mais j'ai tenu bon et leur ai donné tord. Maintenant, je n'ai plus qu'une chose à faire : foncer tout droit à mon objectif.

Elle mange sa pomme, tranquillement, et je commence à bien suer. Là, je suis d'humeur à à faire mon acteur érotique version Secret Story, mais comme c'est Léna qui est là, je vais m'abstenir. Elle est tellement heureuse, et elle était tellement convaincue de quitter la maison, surtout après ce qu'Anastasie, Juliette et certaines personnes du public ont dit. « Ce qui me fait un peu chier chez Anastasie, c'est qu'elle ait résumé mon aventure à la baise... et qu'elle ait résumé la tienne à la religion. ». J'ai tout fait pour voir ce qui se cachait derrière cette femme froide, et je constate que c'est le genre de personnes qui se fie à l'apparence. Je trouve ça assez dommage.

Alors que je parle de ma déception quand aux critiques que j'ai été contrainte d'essuyer, Corentin me fait part de son désarrois quand à la personne qu'incarne Anastasie. Je hausse les épaules à ses proposes, ne sachant trop qu'en penser. « A vrai dire, je pense qu'elle a énormément jouer un rôle tout du long de son jeu, et voir que ça ne prenait pas avec le public l'a fait jalouser les candidats encore en course, dont nous deux, car nous étions plus naturels qu'elle ne l'était et n'avions pas besoin de faux artifices pour plaire au public. je marque une pause en croquant dans ma pomme, tout en souriant à mon frère qui est tout en beauté ce matin. Mais je ne lui en veux pas, c'est difficile de digérer une défaite, surtout quand on la pense illégitime. Et puis, elle ne fait pas le vote du public, elle n'a qu'un impact léger, le plus important, c'est que le vrai public ai su voir en nous qui nous étions ».

Anastasie a surement joué un rôle, en effet. Elle voulait surement avoir l'image de la fille froide et hautaine, mais ça n'a pas collé auprès du public. « Entre Sheila et elle, le public a fait son choix... mais je ne comprends pas pourquoi elle complexe sur son jeu, comme ça. Protéger son secret avec Gabriel, faire des stratégies et tout... pour moi, elle a bien mené sa barque. Je ne comprends pas comment on peut être jaloux gratuitement, comme ça. ». Léna a raison, c'est de la jalousie. Elle essaye de nous rabaisser pour se prouver qu'elle a été meilleure que nous... mais malheureusement, le constat est là. Je décide de quitter le tapis de course et de me servir de l'eau dans une gourde longue et argentée. « Etre rancunier, ça ne paye pas, de toute façon... on est en finale, maintenant, on avance sans ressasser, sans penser au passé. ». Et si Anastasie a cette image de nous, croyez moi qu'elle fait partie du passé, désormais.

J'écoute attentivement mon frère lorsqu'il dresse le parallèle entre Sheila et Anastasie. Il n'a pas trop, leurs deux caractères sont de forts caractères et peut-être qu'il n'y avait de place que pour l'une d'entre elles ici. Je ne sais pas vraiment, je n'ai jamais réellement pris le temps de réfléchir sur la question. Puis lorsqu'il ajoute que la rancoeur n'amène à rien j'hoche de la tête dans un petit hm-mh en même temps que je mâche ma pomme. J'avale le plus vite possible et réponds : « On sait tous les deux qu'on a fait notre aventure sans elle. Ses critiques ne m'ont pas atteinte, alors que j'aurais pensé l'inverse, mais c'est juste que de savoir que quelqu'un pense du mal de toi et ce sans raison, ça fait toujours drôle. Mais tu as raison, elle appartient au passé, comme cette maison appartiendra bientôt au passé ... je dis alors dans un souffle, presque fataliste, avant de rajouter : Tu as peur, de revoir maman et papa dehors ? Parce que moi, un peu ... J'ai peur de leur réaction quand ils vont me revoir ». Mes parents en avaient appris beaucoup sur nous deux, et ce qui pouvait être très bien dans un sens pouvait aussi s'avérer être dangereux. Nous tenions en équilibre sur un fil et saurons d'ici une semaine si nous allons réussir notre traversée ou non.

Je bois mon eau... et qu'est-ce que c'est bon, l'eau. Vous connaissez cette sensation quand vous transpirez, que vous avez hyper soif, et que dès que vous prenez une gorgée, c'est l'extase dans votre bouche ? Votre langue est submergée par l'émotion, votre gorge pleure. C'est trop beau. Lorsqu'on parle d'Anastasie, elle approuve le fait que la rancoeur ne paye absolument pas, et que c'est n'est pas un sentiment à avoir. On est allés plus loin qu'elle, on a mieux géré notre aventure... paix et bonheur à nous, puis paix et bonheur à elle aussi. Je suis certain qu'elle aura d'autres succès dans la vie, tout comme nous, nous vivrons nos échecs. Secret Story n'est qu'une petite passade de deux mois. Deux mois, dans une vie, c'est un grain de poussière. « On a su y arriver, avec Mattéo et Mona lorsqu'ils étaient encore en jeu. Maintenant, à part en être fier, que veux-tu faire ? ». Arriver en finale est une très belle chose... je dirais même la plus belle chose qui pouvait nous arriver dans cette aventure. Elle confirme ensuite le fait qu'elle fasse partie du passé. « Clairement, le présent, c'est notre place en finale, le futur, c'est la victoire d'un de nous - oui, rêvons - et le futur, c'est notre amitié avec les personnes qu'on apprécie. ». Je pense notamment à Mona et Gabriel... mais je pense aussi à Charles, Chani, Arthur, Adel. Ce sont de beaux liens qu'on a tissé avec eux. La discussion dévie alors sur l'après, l'avenir... et elle veut savoir si j'ai peur de revoir papa et maman, lorsqu'on rentre. Lorsqu'elle me pose cette question, mon coeur se serre, j'essaie de ne pas trop y penser, mais c'est tout de même dur. « Tous les jours, Léna... tous les jours... ». Tous les jours, c'est la même angoisse que j'essaye - tant bien que mal - d'oublier, et dont je tente de passer par dessus. « Soit on se prend directement dans les bras et on se dit qu'on s'aime... soit c'est la catastrophe. ». Vous voyez quelle option je préférerais voir se réaliser, je suppose... elle me parle ensuite de leur réaction quand ils vont la revoir. « Tu crois qu'il vont t'en vouloir ? Car si tu me réponds oui, j'ai du mal à voir en quoi... ». Dans cette aventure, Léna a été irréprochable... il n'y a aucune raison que les choses tournent mal pour elle.

Lorsqu'il affirme presque qu'à présent, nous n'avons rien d'autre à faire que d'être fiers de notre parcours, un sourire victorieux se dessine sur mon visage. « Nous l'avons fait, tous les deux, comme nous l'avions prévu. C'était tellement inespéré ». Je pense que le Seigneur a fait son travail là dedans, qu'il m'a aidé à aller jusqu'au bout de cette aventure en me poussant à aller toujours plus loin. Et lorsque Corentin mentionne la victoire et notre amitié avec les autres candidats après cette aventure, je m'offre quelques secondes d'évasion, à rêver de tout ce qui se passera une fois que l'aventure sera terminée. J'imagine Corentin remporter l'aventure, je serai si heureuse pour lui. « Tu penses qu'on les reverra, tous ? A l'extérieur, je veux dire » je lui demande alors, un peu pensive, tandis que mon esprit pense notamment à Arthur, Sheila et Chani. J'aimerais réellement les revoir en dehors de la maison des secrets, et j'espère que mes désirs deviendront réalité. Puis nous commençons à parler de nos parents, et j'ai l'impression d'avoir appuyé là ou ça fait mal, aussitôt que ma question est lancée, mon frère se referme presque sur lui même et me confirme mes craintes : il appréhende la réaction de mes parents presque autant que je le fais. Il y pense tous les jours, selon ses dires ... Je grimace légèrement. « J'espère qu'ils ne seront pas en colère, nous n'avons rien fait pour les mettre en colère ... puis il me demande si je pense qu'ils peuvent être en colère contre moi, je baisse les yeux sur le sol et hausse timidement des épaules, J'ai l'impression de m'être un peu perdue ici, parfois. Et j'ai peur qu'ils ne revoient plus en moi la petite fille qu'ils avaient laissé auparavant, je ne veux pas les décevoir, je les respecte trop pour ça, tu comprends ? » je souffle ensuite, un peu inquiète.

Nous avons réussi à arriver en finale ensemble, nous avons réussi à jouer ensemble, nous avons réussi à nous unir dans les meilleurs ainsi que dans les pires moments... maintenant, on peut savourer. Cette semaine, il n'y a plus de jeu, toutes les cartes sont jouées... donc on profite, on savoure et on aime notre aventure. « Le meilleur moment de cette aventure, pour toi, c'était quoi ? ». Faisons notre petit bilan, tiens... je pense qu'on l'a bien mérité, là. Elle me demande ensuite si je pense qu'on reverra tous les candidats à l'extérieur... perso, même si je suis sociable, ma réponse va être négative. « Mona, Gabriel, Mattéo, Charles, Chani, Arthur, Sheila, Adel, peut-être... après, les autres, je ne sais pas. ». Ce sont vraiment les personnes avec qui j'ai eu de beaux liens dans cette aventure... même si pour certaines d'entre elles, c'était mal parti. La discussion dévie ensuite sur nos parents... et là, il y a de l'encre à faire couler. Elle espère qu'ils ne seront pas en colère, car nous n'avons rien fait pour les mettre en colère, et au fond, elle a raison. « Aimer les hommes n'est pas une erreur... ». Pourtant, c'est ce que je me suis dit pendant longtemps. Lors de mon adolescence, lorsque je me découvrais, j'étais obligé de me cacher, j'avais presque honte de qui j'étais... ensuite, j'ai fini par m'extravertir. Mais avant de révéler cela, j'avais toujours peur que mes parents apprennent la nouvelle... surtout mon père. Même si nous sommes une famille très tolérante, le fait qu'ils soient religieux - et moi athé - risque de coincer. Tous les jours, c'est une boule dans le ventre. Lorsqu'on va les revoir, ce sera l'explosion de tout. Mais je n'ai aucune envie de me prendre la tête avec ça, et je veux profiter de mes derniers jours comme il se doit. Elle me parle ensuite d'elle, et m'avoue qu'elle a l'impression de s'être perdue, parfois. Elle a peur de les décevoir, elle a peur qu'ils ne revoient plus en elle celle qu'ils ont laissé auparavant. Je pose ma main sur la sienne... « Perdue en quoi ? Dans cette aventure, tu as été formidable. Tu as toujours su aider ton prochain, tu n'as jamais eu un mot plus haut que l'autre, et pourtant, tu as appris à te défendre alors que tu n'aurais peut-être pas eu le cran de le faire au début. Tu es entrée en petite fille, tu ressors en femme, et crois moi qu'ils seront fiers de toi. ».

Lorsqu'il me parle du meilleur moment de l'aventure, je prends le temps de la réflexion quelques secondes puis finalement je tranche : « En terme d'émotions je dirai le retour de mon premier SAS, sinon, je dirais la première fois ou on s'est retrouvés dans le confessionnal toi et moi, et qu'on était loin des autres habitants et pouvions être nous même. Et toi ? » je lui demande alors en souriant avant qu'il ne fasse la liste des candidats que nous reverrons sûrement à l'extérieur. La liste est aussi longue que belle et je souris à l'idée de tous les retrouver une fois l'aventure terminée. J'espère que Corentin ne se trompe pas. Finalement, pensif, il ajoute qu'aimer les hommes n'est pas une erreur, et je prends instantanément sa tête dans mes mains comme pour le rassurer. « Et papa et maman le savent, tout le monde le sait, ne t'inquiète pas, Corentin, ne t'inquiète pas ! je dis en soufflant prêt de son oreille avant d'ajouter, Ils nous ont toujours élevé dans l'acceptation des autres, crois moi que ça, c'est le cadet de leurs soucis. Je suis sur qu'ils n'en feront rien ». Je dépose un baiser sur son front quand vient finalement son tour de me rassurer en m'affirmant que de toute l'aventure j'ai été parfaite. Je ris dans un souffle et rougis. Je baisse les yeux sur le sol un peu mal à l'aise puis lui réponds presque timidement : « Mais je me suis faite avoir dans une relation amoureuse puéril digne d'un collège et après ça je me suis laissée consumer par mes envies de revanche ... Ce n'est pas bien, ce que j'ai fait, Corentin ... J'en ai conscience et j'ai peur qu'ils ne m'en veuillent pour ça ». Je grimace alors, à nouveau ...

Son premier SAS ainsi que la première fois où on s'est retrouvés, ça a été les meilleurs moments pour elle. Je me souviens qu'il y avait même eu des larmes, c'était bien. « Perso, mon meilleur moment, ça a été la révélation de la mission, le moment où on s'est vraiment retrouvés. On pouvait vraiment être nous mêmes, et c'était génial. ». Elle me rassure ensuite en disant que nos parents nous ont toujours élevés dans l'acceptation... et que normalement, tout se passera bien. J'espère. Elle me parle alors d'elle en disant qu'elle s'est embarquée dans une histoire d'amour digne d'une collégienne, et elle s'est laissée consumer par ses envies de vengeance. « N'oublie jamais que dans la vie, on vit tous - sans exception - de bons et de mauvais moments. ». Ses rancoeurs ne font pas d'elle une mauvaise personne, bien au contraire. Bon, j'ai fini mon sport, donc je l'embrasse sur la joue et je m'éclipse.

Bien entendu, je m'éclipse à mon tour.