Jour 19

La nuit avait été douce, et si j'aurais pu attendre Eden pour me réveiller, j'avais déposé un baiser sur son front avant de quitter la chambre.

Après avoir fait un tour, je revenais dans la loveroom, retirant mes vêtements pour me glisser aux côtés d'Eden.

J'émerge difficilement ce matin, les échos de la nuit dernière se mêlant à l'amertume d'un réveil après une soirée alcoolisée. Je me redresse légèrement, une main porté à la tête. J'remarque Emile à mes côtés et demande alors dans un fin sourire. « Tu dors ?? » Je murmure, histoire de ne pas le réveiller si c'est le cas.

Lorsque je sentis du mouvement à mes côtés, puis une voix encore rocailleuse s'éveillait, un fin sourire vint étirer mes lèvres « Ça doit bien faire quelques bonnes heures que je suis éveillé. » j'avais même eu le temps de me rendre à la piscine, de prendre une douche et de me balader un peu. « Mais je me suis dit que ça te ferait plaisir que je sois là au moment où tu ouvrirais les yeux. J'ai eu tord ? » On ne sait jamais après tout, certains préfèrent être seuls au réveil.

Je me content de hocher la tête en apprenant qu'il était déjà réveillé depuis plusieurs heures. J'en apprécie que plus l'idée de le voir à mes côtés, ça veut dire qu'il est revenu. « Hm, non, tu es pas dans l'erreur. » que je lui réponds, restant néanmoins un peu vague. « Ajeya a 35 ans... La pauvre. » Dis-je, en repensant à la soirée d'hier, déposant ma tête sur le torse d'Emile. Devenir un jour totalement adulte, il doit vraiment rien y avoir de pire.

Eden n'était donc pas contre le fait de m'avoir à ses côtés ce matin, à vrai dire, voilà qu'il venait déposer sa tête contre mon torse, alors que mes doigts se mêlaient lentement à ses cheveux. « Heureusement, on en est encore loin. » Ajeya faisait tout de même beaucoup plus jeune que son âge, c'était certain. Laissant un léger blanc s'installer, je lâchais alors, pensif « A quel point tu penses que ta vie changera après ce jeu ? » C'était une question que je me posais en ce moment. Quelles répercutions le tout aurait sur la suite.

J'ris doucement à la remarque d'Emile, c'est vrai, on en est encore très loin. Et à ce moment précis, j'me suis rarement senti aussi jeune de toute manière. Emile se questionne sur la manière dont Secret Story changera notre vie. « Niveau professionnel... pas grand chose. Tu resteras ce réalisateur de génie, et moi, ce producteur avide de thunes. » Pour nous, Secret Story ne nous apportera rien de concret, c'est un fait. C'est sans doute pour ça qu'on prend tout ça moins au sérieux que certains habitants. « J'ai envie de vous revoir dehors, Clémence et toi.» Je m'sens obligé de le préciser, parce que j'sais qu'après Secret Story, on retournera chacun à nos occupations. J'pourrais me passer de ne pas revoir le 3/4 des candidats, mais pas eux.

Il n'avait pas tord, pour lui rien ne risquait de changer, mais pour moi c'était encore autre chose. Je n'étais pas certain que cette aventure ait un impact positif sur ma carrière, il s'agissait même plutôt du contraire. Disons que la télé-réalité n'était pas particulièrement bien vue « Disons qu'il y a de grandes chances que je déçoive beaucoup de monde. » j'en avais parfaitement conscience, intégrer cette aventure était un véritable risque. Lorsque le jeune homme ajouta qu'il souhaitait nous revoir, Clémence et moi, je déposais un baiser dans ses cheveux « Evidemment que l'on se reverra. » Je ne pensais pas m'attacher à des personnes si différentes, c'était certain. « Espérons que cela arrive le plus tard possible, cela dit. » Je comptais bien tout faire pour aller le plus loin possible, et je savais que lui aussi.

Emile pense vraiment que cette émission pour avoir un impact sur sa carrière. « Mais un Oscar, ça fait oublier beaucoup de choses... » Je pense qu'il a déjà acquis sa légitimité dans le milieu, il peut se permettre ce genre d'écarts. Un sourire se creuse sur mon visage aux petits gestes tendres d'Emile, encore plus à ses paroles. Il souhaite me revoir, l'envie est partagée... Il tient maintenant à nous de faire en sorte que ça arrive le plus tard possible. « Si je gagne le chèque, je crois que je le donnerai au gosse malade pour lequel Rachel s'est inscrite ici. Il lui servira toujours plus à lui qu'à moi.» Ce n'est même pas un geste de solidarité, mais simplement du bon sens.

Il est vrai qu'un Oscar faisait reconsidérer pas mal de choses pour la plupart des gens en recevant un. Personnellement je me demandais encore ce que cela avait changé pour moi. Je veux dire, d'accord, j'en avais reçu un pour meilleur scénario mais de là à dire que j'en avais été transcendé, je ne sais pas. « Oui, de toute façon tu sais à quel point l'avis des gens extérieurs m'intéresse. » c'est à dire nullement. Si Eden remportant l'aventure, il donnerait donc son chèque au gosse de Rachel. « Sans vouloir paraitre sans coeur... Franchement, je n'en ferai pas ma priorité. Elle a joué, elle a perdue, si elle avait vraiment voulu aider ce gosse, elle aurait donné le meilleur d'elle même. Autant le donner à une association qui s'occupera de chercher un traitement pour la maladie quelconque qu'il pouvait avoir, plutôt que de le donner à un gosse qui, en grandissant, le dépensera probablement en décapotable et alcool. » du moins c'était comme ça que je voyais les choses. Donner un chèque aussi important à un enfant lui retirerait toutes notions de réalité.

Je hoche la tête à l'affirmation d'Emile. Il a ce côté inaccessible, inhumain, qui pourrait nous faire croire que rien ne peut l'atteindre ni le toucher. Je lui expose ensuite mon idée de ne pas conserver le chèque si je gagne. Et lui semble plutôt interloqué par mon choix de le passer à cet enfant malade. Il est vrai que c'est peut être pas la meilleure des attentions. J'sais mieux que personne comment on peut tourner avec un peu trop de fric sous la main. « C'est pas con. En tout cas, j'ai aucune raison de garder les thunes. Je trouverai bien une cause juste dans laquelle investir. » Les inégalités ne manquent pas dans ce monde. Et même si j'y suis pas trop réceptif et que finalement, j'pense très peu aux autres dans ma vie de tous les jours, c'est l'occasion d'être conséquent avec moi même au moins une fois dans ma vie. « T'as remarqué, je parle même plus au conditionnel... Parce que ça me paraît évident que j'vais gagner. »

Oui, de toute façon je me doutais que le gagnant recevrait pas mal de demandes de la part d'associations pour donner une partie de sa cagnotte à la bonne cause. Dès qu'ils pouvaient gratter, eux. Lorsqu'il mentionna le parlé au conditionnel comme inexistant, un léger rire s'échappa de mes lèvres « Pas si je te vole la vedette. » mais à vrai dire, j'avais parfaitement conscience qu'il avait plus la bouille d'un vainqueur que moi. Le jour où un asiatique remporterait quelque chose dans ce pays, voire dans ce monde. Relevant le visage du beau brun, mes lèvres retrouvaient un instant les siennes, inversant les positions pour passer au dessus de lui. Un fin sourire malin s'esquissa alors sur mes lèvres tandis que celles ci se disposaient dans son cou, dévalant ensuite son torse, pour venir le provoquer.

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